LES FEMMES EN NOIR

Le Film

Premier bilan

 

Après la projection du film en avant-première au Cinéma Opéra ce mercredi 14 novembre 2018, je crois que l'on peut en tirer certaines conclusions. Je tiens à préciser que ce sont les miennes, donc sujettes à débats.

 

LE NOMBRE DE SPECTATEURS

 

Le premier point positif est que le film a été très apprécié par l'ensemble des personnes qui étaient présentes à cette soirée. Ne connaissant pas tout le monde, j'ai l'impression qu'une grande majorité était composée de militants convaincus .... pour les citer, ceux d'Erap, du Collectif 69, de France Palestine et de l'UJFP. et bien sûr de nombreuses femmes en noir. Ce qui peut-être explique l'absence de questions sur le fond, la plupart évoquant plutôt celles de la forme et de la diffusion.

 

Finalement on espérait plus de monde malgré tous les efforts des uns et des autres pour le promouvoir, annonces, affiches et liens très visibles sur les sites associatifs précités, par mails, affiches et tracts distribués les deux vendredis précédant l’événement.

 

Encore un grand merci à celles et ceux qui sont venus.

 

De mon coté, c'est la catastrophe. Je crois avoir un bon carnet d'adresse qui a fait l'objet d'un mail groupé pour informer de cette soirée du 14 novembre : dans cette liste d'amis et parmi eux anciens militants ou solidaires de tous les combats contre les injustices,  pour la paix dans le monde. Aucune réponse. Personne n'est venu.

 

Certaines questions se sont posées. L'absence de jeunes, alors que ce sont essentiellement eux qui interviennent à la fin du film ? Ce qui nous amène à nous interroger sur les réseaux sociaux. C'est là qu'ils sont ?

 

Je ne crois pas qu'étaient présentes à cette soirée des personnes répondant à une invitation sur Facebook.

Les réseaux sociaux

Mon expérience dans ce domaine est tellement négative que je ne dirai que ce qui va suivre:

- Mon inscription il y a quelques années sur Facebook pour appeler à soutenir un projet de film sur le récit de vie d'une femme aveugle, artiste chanteuse de talent, a été lamentable. Personne, absolument personne ne s'y est intéressé. Un réseau social ? Facebook ? Je suis désolé, ce n'est pour moi que le règne du nombrilisme absolu.

C'est mon expérience, certes personnelle, mais personne ne me croit et ne m'écoute quand je le dis : encore un dialogue de sourd.

- Des centaines de milliers de messages sur le net et sur Facebook ont exprimé la solidarité avec Philippe Layat, le paysan qui a été exproprié d'une partie de ses terres pour permettre la construction du stade de Décines. Plusieurs manifestations on eu lieu sur son terrain. Les policiers étaient quelquefois plus nombreux.

J'ai lu il y a quelques années un livre de Marshall McLuhan très intéressant ... "Pour comprendre les médias"  où il démontre que le message, contenu de la communication, est accessoire, le véritable message étant le média lui même. Même si certains ont pu contester sa théorie, il y a une part de vérité. La fascination pour le média, aujourd'hui internet, le téléphone portable, est prioritaire par rapport au contenu que l'on veut y mettre. La maitrise de cette technologie est pour les jeunes une manière de se mettre en valeur, ce qui en définitive est prioritaire sur l'affrontement avec le réel. Les excès dans la pratique de ces nouvelles technologies ne conduisent elles pas à des addictions inquiétantes ?
 

élargissements  de la diffusion

 

J'ai cette expérience d'avoir eu cinq films sélectionnés à cinq festival depuis 1989, dont deux ont été primés. On vient vous voir, on vous dit que votre film est formidable et que l'on va vous mettre en contact avec les personnes compétentes pour une diffusion plus large. Je donne mes coordonnées de contact, ma carte de visite, mon téléphone …. et généralement rien, rien ne se passe.

C'est ce que j'ai pensé quand cette dame est intervenue pour parler du festival francophone au Canada. Je ne suis pas certain de la suite, de sa part... mais c'est peut-être juste une information pour me dire que des possibilités existent, auxquelles je ne pensais pas.

Hors sujet par rapport à cette soirée, je voudrais maintenant évoquer la question de la durée du film, encore jugée trop longue par des militants (...tes).

 

La durée du film

 

La durée d'un film n'est pas forcément un critère de décision pour aller le voir. Il en est un autre qui est celui du contenu, de son sujet et de son message. Il y a des westerns qui sont des chefs d’œuvre mais que ceux qui n'aiment pas ce genre ne vont jamais voir. Pareil pour les films de guerre, pour les films d'amour, et les films d'Hollywood ...

 

Je considère que mon film n'est pas un film militant, c'est un documentaire qui vient informer le public sur un mouvement de femmes engagées dans un combat difficile, mais elles ne sont pas que cela. Prenez le temps de les regarder, les plans sont suffisamment longs pour cela* ! N'y a t'il pas de l'énergie dans ces femmes exceptionnelles, un modèle pour la jeunesse ? ... considération à prendre en compte sur ce point donc accessible à tout public ! Voire un public cinéphile, tant dans sa forme, son rythme que dans la  mise en avant du lieu (La fontaine Bartholdi), des manifestations et autres interventions qui enrichissent le propos.

 

76 minutes pour écouter et  regarder ces femmes, assis confortablement dans un fauteuil de cinéma paraissent elles si longues ? sachant que les médias officiels ne leur donneront jamais la parole, alors que le temps qu'elles ont passé depuis 16 ans à se tenir debout pendant une heure chaque vendredi, fait un total de 49920 heures (Approximativement) ?

 

Le raccourcir serait justement  le réduire à un film militant et le casser dans l'esprit que je voulais lui donner et que je viens de définir.

Je peux garantir que ce film a séduit beaucoup de non militants, notamment un de mes amis avec lequel j'ai fait mes études de cinéma, très cinéphile, et qui en même temps a appris beaucoup de choses sur l'histoire des Palestiniens.

Il faut juste reconnaître que ce genre de film n'attire pas les foules,  jeunes ou adultes, l'ensemble en fin de compte où non seulement les Palestiniens tiennent si peu de place dans l'actualité et les médias où le genre documentaire va plus dans le sens de la réflexion que celui du divertissement *.

*Précisément sur ce sujet, "la longueur d'un plan", où "le temps nécessaire pour en saisir le sens", je vous invite à consulter cet article de Gérard Mordillat "Le spectateur impatient" paru dans "le monde diplomatique" d'octobre. C'est à mon avis un regard très lucide non seulement sur le cinéma d'aujourd'hui, mais sur l'utilisation des médias comme instruments de manipulation. Très en rapport à ce qui a été exposé ici.

Attendons la suite des prochaines projections et espérons le,  des sélections aux festivals contactés ....

A suivre ....

Philippe d'Hennezel