TEXTE du film « Les Femmes en Noir »


 

1 Martine Ullmann

 

L'origine des Femmes en Noir, ce sont quelques femmes israéliennes qui se sont réunies au moment de la première Intifada, donc fin 87 début 88, pour manifester le fait qu'elles refusaient l'occupation par leur état des territoires palestiniens, et donc elles ont décidé un mode d'action qui était ce qui a été appelé « une veille », « vigil » en anglais, c'est-à-dire se réunir une fois par semaine sur une place, un endroit public.


2 Danièle Walter

 

Alors je suis arrivée par une camarade de La Duchère qui en faisait partie et qui m'a dit : « tu devrais aller rencontrer les Femmes en Noir parce que ça vaut la peine quoi, c'est un mouvement qui vaut la peine ». Alors, effectivement, je ne le regrette pas puisque donc j'y suis depuis 2004, ça fait donc 14 ans, et tous les vendredis nous sommes donc sur la place des Terreaux avec notre banderole qui réclame la restitution des territoires aux Palestiniens.

 

3 Marie-Laure Bousquet


Elles se sont inspirées d'un mode d'action qui était connu depuis un certain temps à savoir les Folles de la Place de Mai en Argentine ; sauf que les Folles de la Place de Mai avaient comme symbole d'unité un foulard blanc, alors que les Femmes en Noir ont décidé de se mettre en noir ; les Italiennes ont raconté de belles choses sur le noir comme étant la couleur qui absorbe toutes les autres.


4 Sylvie Bruxelles


C’est un mouvement pacifiste qui, à un niveau international, s'est déployé depuis fin 87 - début 88 un peu dans le monde entier et en prenant un peu, selon chacun des pays dans lesquels il s'est développé, des colorations différentes.

 

5 Michèle Radovanovitch


Elles ont pris conscience de l'importance de créer un mouvement de femmes. Pourquoi de femmes ? Parce que les organisations mixtes ne leur plaisaient pas complètement, elles avaient envie d'affirmer avec leur façon d'être cette protestation contre la colonisation israélienne.

 

6 Chantal Buisson

 

C'est vraiment je crois en 2014 que je suis rentrée, j'ai dit : « non, là je m'engage à aller tous les vendredis, c'est le minimum que je peux faire ». C’est aller tous les vendredis en silence sur ces marches de l'Hôtel de Ville, de la place des Terreaux, qui est vraiment un lieu symbolique puisque c'est là qu'il y avait quand même les condamnés à mort, là où ils finissaient, il y avait une guillotine.

 

7 Danièle Walter


Ce qui nous a mis mal à l'aise avec nos amis juifs c'est que nous avons quand même des tas de choses en commun ; on nous dit : « tu aimeras ton prochain comme toi-même » et on le fait pas, en tout cas là c'est clair : « l'étranger est comme un frère parmi nous, parmi les tiens » et c'est pas vrai on le considère pas comme ça, et on peut pas accepter ce genre de choses.


8 Suzanne Benoit


Pendant la guerre des Six-Jours je souhaitais la victoire d'Israël ; j'étais encore, et je suis toujours, très marquée parce que je suis l'histoire des Juifs et le fait de voir ces pays arabes envahir, enfin agresser ce petit pays, me scandalisait beaucoup, je souhaitais la victoire d'Israël.


9 Danièle Walter


Au début on a parlé d’« un peuple sans terre pour une terre sans peuple » c'est parfaitement faux : la Palestine était occupée par des millions de Palestiniens qui ont été scandaleusement chassés de leur terre en 48.


10 Suzanne Benoit

 

Et puis … mon point de vue s'est un peu transformé, voilà, en fréquentant les Femmes en Noir.


11 Sylvie Bruxelles


Ça s'est fait, ça a été préparé pendant un siècle et sans demander du tout l'accord des gens qui vivaient sur cette terre, c'est-à-dire les Palestiniens qui vivaient en Palestine.


12 Suzanne Benoit


J'ai lu aussi, un certain jour ou à un certain moment, des déclarations de Sharon qui m'a paru vraiment être, d'anticiper presque la violence avec laquelle Israël se conduit maintenant ; c'est à dire que dès l'origine voilà un homme qui s'installait là avec l'intention de le coloniser, de s'emparer des terres.


 

13 Marie-Laure Bousquet

 

En voyant tous les jours dans le journal : aujourd'hui il y a tant de morts à Gaza, aujourd'hui il y a tant d'enfants qui sont morts en Cisjordanie etc, en refusant cette espèce de banalisation de morts qui deviennent le quotidien comme si les Palestiniens, les Palestiniennes n'étaient pas des êtres humains au même titre que les autres.

 

14 Suzanne Benoit


Les colonisations faisaient partie de ce que les démocraties pouvaient, devaient faire, et voilà que ce pays dans l'impunité continue à le faire.


16 Sylvie Bruxelles

 

Du fait de la présence de seules femmes, il n'y a pas les mêmes relations de groupe qui s'instaurent, et du coup il n'y a pas les mêmes relations de pouvoir.


17 Sylvie Bruxelles


C'est pas une manifestation, il y a pas de slogan crié. Et on avait commencé, si je me souviens bien, on n’avait pas de tracts au départ ; maintenant on distribue des tracts ; on rajoute quand même en silence, donc veille ça veut pas dire en silence mais il y a quand même cette idée d'une présence, c'est ça que ça veut dire une veille : être présent.

 

19 Sylvie Bruxelles


Y a pas d’organisation, alors ça c'est un truc qui, fondamentalement, moi aussi m'a beaucoup plu dès le départ, et donc c'est quelque chose de complètement informel, il n’y a pas d'adhésion, les femmes sont là.


20 Chantal Buisson


C'est une action de résistance, voilà, en lien, en solidarité avec ces femmes, avec ces femmes palestiniennes et israéliennes, mais aussi en lien avec les femmes en général, les femmes du monde qui résistent.


 

21 Michèle Radovanovitch

 

Ce mode de veille est assez facile à organiser, sauf sur un point, facile dans l'immobilité, dans la présence d'informations qu'on donne aux passants, présence d'une banderole qui dit aux passants qui nous sommes, car normalement - et c'est là que ce n'est pas si simple à organiser - normalement nous devrions être silencieuses et nous n'y arrivons pas. Du coup la banderole a en quelque sorte, c'est bien, elle est là, elle est, elle est d'autant plus importante que nous parlons, elle est importante pas simplement si nous étions silencieuses mais d'autant plus que nous parlons. On essaie de ne pas parler, on n’y arrive pas, est-ce capital ? Je sais moi, que une veille silencieuse, ca serait très bien. Aujourd’hui dans notre monde bavard, tonitruant, ça serait bien d’inclure dans notre veille du silence, quelquefois.


22 Suzanne Benoit


Quand on est là, on est ailleurs, on est pour autre chose et pour dire autre chose. Je pense que le silence ajoute de la gravité aux propos que nous tenons en distribuant un tract qui explique nos raisons.


22 Chantal Buisson


C'est être là, c'est être là présente dans ce que je fais ; parce qu'une manifestation, on marche et on parle de la pluie et du beau temps. Là on est vraiment là-dedans, je suis dans mon intériorité quoi : c'est une façon de se centrer, d'être là et en même temps d'être centrée sur les personnes, sur les Israéliennes et sur les Palestiniennes, d'être avec elles. C'est aussi fort que les mots parce que justement ça interpelle, ça interpelle le passant. Ce qui attire le regard c'est aussi que nous ne sommes que des femmes, alors d'un certain âge il faut reconnaître, il n'y a pas beaucoup de jeunes.


24 Suzanne Benoit


Je fréquente aussi, je crois que l'une de nous y a fait allusion, je fréquente aussi les cercles de silence qui ont lieu tous les mois et qui ont pour cible, non pas la Palestine, mais les sans-papiers, les immigrés ; je pense aux lieux, je pense aux personnes, ma pensée n'est pas tout le temps orientée sur la cause que je défends, les réfugiés, je peux penser à autre chose.

 

26 - 9 mars 2018 - Extrait de Rafaeef Ziada, slameuse palestinienne : “A Jérusalem”


« À Jérusalem, j'ai pansé mes blessures et respiré ma tristesse / Et j'ai transporté l'âme dans ma paume / Pour une Palestine arabe / Je ne succomberai pas à la « solution pacifique » / Et ne baisserai jamais ma banderole / Jusqu'à ce que je les expulse de mon pays. / Je les abandonne pour un temps à venir. / Résiste, mon peuple, résiste leur. »


27 Sylvie Bruxelles


 

On a toujours essayé de marquer le 8 mars parce que journée des droits des femmes, donc à ce titre-là, femmes israéliennes – femmes palestiniennes – femmes du monde entier. Là c'était la première fois que ça a pris la forme de donner de la voix aux femmes palestiniennes en lisant des poèmes, de diverses sortes, qu'elles ont pu écrire.


28 Sylvie Bruxelles


J'avais pas une connaissance particulière de ce qui se passait en Israël / Palestine sauf que sur le plan personnel mon compagnon était juif, pas du tout croyant et donc pas du tout sioniste. Mais j'en ai entendu parler par hasard de cette histoire de femmes en noir, sur le marché par une amie, Martine que tu connais, et quand elle m'en a parlé, ça m'a tout de suite accroché. J'avais été tentée, quand j'avais 17 ans, aller dans les kibboutz, qui se faisaient à l'époque mais je ne savais pas, j'étais complètement ignorante de la situation au Moyen-Orient à cette époque-là.


29 Michèle Radovanovitch


Il y a eu donc les amis, les événements, une lecture, un pavé qui avait paru avec Jean-Paul Sartre et Les Temps Modernes qui s'appelait « Le conflit israélo-arabe » chez Maspero. Je me souviens que je l'ai un peu lu, c'était un pavé ; ça m'a aidé à prendre conscience de ce qui se passait en Israël.


30 Suzanne Benoit

 

Lorsque Herzl a théorisé le sionisme et a souhaité de trouver un pays pour les Juifs, il n'a pas pensé à la Palestine : il voulait un endroit vide, un endroit où il y ait de la place. Le sionisme tel que l'avait conçu Herzl était laïc, n'était pas religieux. Bien sûr j'imagine que vous connaissez, comme moi ou comme d'autres, les textes qui véhiculent cette idée. Mais vous ne les prenez pas comme une exactitude, vous les prenez comme une histoire.

 

31 Chantal Buisson

 

Une terre sainte où on accepte tout ça ! C’est pas possible ! Moi je peux pas entendre ça, et j'irai pas à un pèlerinage, ou alors il faudra vraiment qu'on me convainque - mais vraiment fortement - pour me dire : « ben si tu vois », non. Par contre aller voir, aller rencontrer des Israéliens, juifs, et des Israéliens, des Palestiniens, des musulmans, arabes, qui sont pas forcément musulmans parce que en fait ils sont arabes. Mais c'est pareil, là aussi, c'est des gens qui sont pas forcément, ils sont pas tous pratiquants non plus ; donc cette notion de peuple élu, c'est scandaleux ils en profitent. Et les Européens et nos gouvernants jouent avec ça.

 

33 Martine Ullmann


J'ai connu, disons, l'époque où aller dans un kibboutz ça devait être super bien, etc., je l'ai jamais fait ; mais j'en ai eu l'idée, avant de comprendre un petit peu ce qui se passait là-bas. Alors une particularité, c'est que mon père est d'origine juive. Alors pour les autorités notamment orthodoxes, ça ne fait pas de moi une juive puisque ma mère ne l'était pas ; mais, historiquement, symboliquement, émotionnellement, à travers mon père et sa famille –dont une partie a été déportée –, je suis héritière de cette histoire-là ; c'est quelque chose qui me concerne, profondément. Et donc j'ai cette part juive. Cette part juive fait que je ne peux pas supporter que des juifs et des juives traitent les Palestiniens comme des sous-hommes et des sous femmes, alors qu'on les a traité.e.s eux-mêmes, elles-mêmes, comme des gens qui n'étaient pas humains.

 

34 Michèle Radovanovitch

 

Quand on lit des livres sur les femmes israéliennes, les femmes palestiniennes, on voit bien qu'il y a déjà des prises de conscience qui précèdent ; mais là, c'est la création d'un mouvement, c'est toujours bien particulier, c'est quand des forces s'accumulent et créent une organisation.

 

35 Marie-Laure Bousquet


C'est quelque chose qui a essaimé un peu, ben dans le monde entier puisque il y en a aux États-Unis, il y en a en Australie, il y en a en Autriche, il y en a en Europe, il y en a en France. Quand le conflit à Belgrade a commencé, ben là, la même logique des femmes de Belgrade, des femmes alors donc serbes, croates et bosniaques, ont refusé d'entrer dans cette logique du rapport de force et d'élimination de l'autre. Il y a aussi le fait du symbole très fort, le rythme toutes les semaines, une espèce d'inscription dans la durée quoi, dans le temps, qui refuse de se laisser influencer par « oh mon dieu mes pauvres ! Mais ce conflit, ça sera ad vitam aeternam ! Ah ! Mais à quoi ça sert ? etc. et tout ça », non, c'est dans quelque chose de plus fort et de plus profond, qui essaie de dire une unité dans le divers, et dans la diversité.

 

37 Michèle Radovanovitch


On a pu, ici à Lyon, aller les rencontrer ces Femmes en Noir de Jérusalem lors d'une conférence internationale, je crois qui y a eu lieu en 2005 à Jérusalem (Jérusalem-Est), et cela nous a conforté dans notre mouvement à Lyon.


38 Marine Ullmann

 

Les Palestiniens et Palestiniennes ne sont pas des gens comme vous et moi qui ont des droits ; c'est en lien bien sûr avec l'occupation, mais, avec l'expulsion qu'il y a eu de centaines de milliers de gens, par rapport à ce qui se passe maintenant, par rapport aux arrestations, par rapport à la détention administrative, par rapport à la discrimination dont sont victimes les Palestiniens de 48 qui vivent donc en Israël, qui ont la citoyenneté israélienne mais pas la nationalité, les exactions de toutes sortes, ce qui fait que les gens peuvent pas circuler, peuvent pas travailler, peuvent pas se soigner, etc. etc.


39 Michèle Radovanovitch


Ce mouvement des Femmes en Noir en Israël s'est aussi préoccupé de la politique israélienne dans sa façon de s'étendre jusque, comment dire, avec le mur, avec la question de Gaza.


40 Marie-Laure Bousquet

 

Fin 89-90 avait été organisées déjà des rencontres internationales pour la paix ; et bon c'était des rencontres sur beaucoup de plans : les plans politiques, les plans spirituels, les plans militants, et, à cette occasion là, il y a eu une rencontre de Femmes en Noir à Jérusalem, où on était, je ne sais pas, cinq mille, et on est parti de Jérusalem-Ouest à Jérusalem-Est, et il y avait des européennes, des nord-américaines. C'est quelque chose de rencontrer en personne, et en parole, et en chair et en os, des jeunes soldats entre autres, qui vous disent qu'ils refusent d'aller servir, et d'obéir aux ordres militaires en Cisjordanie ; où on avait le sentiment que si on était des militants et des militantes pro-palestiniens et pro-palestiniennes, automatiquement dans un rapport d'ennemis avec tout ce qui était Israël, etc. La chose difficile à faire entendre était que on n'était pas du tout pour l'extermination de qui que ce soit ; on luttait contre un phénomène colonial comme certains et certaines d'entre nous avaient milité par rapport à la guerre d'Algérie, comme on avait milité par rapport à l'état d'apartheid en Afrique du Sud, etc., etc., etc.


41 Danièle Walter


D'abord les gens sont chassés de leur terre, ça c'est une première injustice notoire. Ensuite, ils ont quand même pas tellement la voix au chapitre. Ils sont confinés dans des territoires qui se réduisent de plus en plus.


42 Chantal Buisson


Par exemple on va jusqu'à détruire leurs écoles, on va jusqu'à détruire les organisations qu’ils font par rapport à l'agriculture ou par rapport à des constructions, etc.


43 - 9 mars 2018 - Extrait de Huda, femme de Gaza


« Les oiseaux migrateurs … qu'est-ce qu'ils sont chanceux ! Ils sont les seuls à sortir de Palestine et à y entrer sans demander la permission israélienne. Ah si j'étais un oiseau ! »

 

44 - 9 mars 2018 - Propos tenus par Manal, tante d’Ahed Tamini, en mars 2013 à Lyon


« Je voudrais dire que notre résistance est une résistance pour avoir notre droit à la vie, le droit de nos enfants à un avenir meilleur, nous ne combattons pas le judaïsme comme religion, ni l'Israélien comme un Israélien, nous combattons le sionisme comme mouvement qui repose sur le meurtre, la “déportation” des Palestiniens, l'occupation des terres et de leurs richesses. »

 

45 Chantal Buisson


Quand on lit un petit peu l'historique - je suis loin d'être au clair avec tout ça - des villages qui ont été détruits et où on a expulsé les gens, on les a forcés à partir, et des villages qui n'existent plus quoi, il y a plus le nom ; et ça, ça le nom c'est notre identité quoi.

 

46 Martine Ullmann

 

Bon, l'idée sioniste est née à une époque où avoir des colonies c'était très bien, c'était très bien pour la Grande-Bretagne, c'était très bien pour la France, c'était très bien pour tout le monde. En fait, au départ, il y avait beaucoup d'opposition chez les Juifs, notamment les Juifs ashkénazes, dans le Bund, il y avait beaucoup d'opposition à ce projet, les gens ne souhaitaient pas cette création ; ils préféraient se battre pour leurs droits si besoin, là où ils étaient. Les Européens qui ont poussé à la création de l'état d'Israël étaient des antisémites pour la plupart ; ils avaient l'idée à la fois de se débarrasser de leurs Juifs et puis d'avoir des gens qui leur devraient quelque chose par là-bas, que ça pouvait être intéressant ; donc c'est clair que les Occidentaux ont une part terrible dans cette tragédie, dans cette création.

 

48 Chantal Buisson


Là, en ce moment avec ce qui se passe à Gaza, où on leur tire dessus, on tire sur des civils, on tire sur des femmes, sur des enfants, sur des adultes, sur des hommes, comme ça au prétexte qu'ils sont, voilà, qu’ils sont près de la frontière ; qu’on leur tire dessus alors qu'ils sont à main nue quoi – parce que même s'ils ont des pierres, c'est pas avec ça - et on en parle quasi pas dans les médias. On parle de la Palestine quand il y a un coup de couteau, et encore. Et sinon on en parle pas. Mais ça veut dire que c'est pas des humains.

 

49 Danièle Walter


Au moment de l'opération Plomb durci il y a quelques années, il y a eu des milliers de morts ; et encore maintenant récemment là il y a encore eu des morts parce que les soldats israéliens sont prêts à tirer sur n'importe qui.


51 Michèle Radovanovitch


C'est une colonisation, on va dire, particulière ; parce que elle a à la fois une origine interne dans le mouvement juif, de certains juifs, qui ont créé ce mouvement sioniste ; et elle a une origine internationale, à la différence d'autres colonisations. C'est ça qui est complètement étrange et scandaleux ; c'est dès comment dire, novembre 1917, cette déclaration Balfour, qui montre à quel point l'Europe est engagée dans cette question israélo-palestinienne de façon centrale, puisque « oui … oui, oui, on vous soutient vous qui voulez créer un état, ou du moins un foyer juif, dans ce pays qui s'appelle la Palestine, et que vous revendiquez comme votre ancienne terre. On va vous aider. Mais on va vous aider, parce que on n'a pas envie d'avoir trop de juifs chez nous. ». C'est un point crucial, moi dans mon engagement, ce défaussement de l'Europe sur les pays arabes.

 

52 Danièle Walter


Il y a une vieille culpabilité de l'Europe par rapport à ce projet insensé d'Hitler, et tous les fous qui étaient avec lui, à faire disparaître le peuple juif. Janina Hescheles est une fillette de la région de Lvov - donc maintenant c'est en Ukraine je crois mais à l'époque c'était encore polonais - c'était une région où il y avait beaucoup de juifs. Et cette fillette est une miraculée de la Shoah ; elle a été exfiltrée, de Pologne jusqu'à Cracovie pour être mise à l'abri. Et après elle a réussi à aller en Israël, et là elle a découvert une situation absolument scandaleuse dont elle dit …


53 Danièle Walter


« Notre passé tragique ne nous donne pas le droit en Israël de confisquer des terres, de détruire des maisons, d'arracher des champs d'oliviers, entretenus pendant des générations ». Elle est la mieux placée pour dire ces choses-là ; elle est elle-même une rescapée de la Shoah et elle dit : « de quel droit on va faire subir à d'autres ce que nous avons subi, c'est inhumain ». Et elle a fait partie, d'ailleurs, des premières Femmes en Noir d'Israël dès que le groupe a été créé, c'est quand même très intéressant.

 

54 Eitan Altman

 

Ce livre, elle l'a écrit parce qu'on lui a sauvé la vie ; on lui a demandé d'écrire de témoigner. Elle était dans un camp de concentration et de mise à mort. Mais c'était aussi un camp de travail ; au début il n’y avait pas de danger de mort pour ceux qui travaillaient, parce qu'ils soutenaient l'effort militaire nazi. Je voulais transmettre à mes enfants la responsabilité, et le sens des droits de l'homme. Ma mère sent un devoir de s'opposer au problème des droits de l'homme. Pourquoi ? Parce que, elle même, elle a été sauvée par des Polonais qui ont risqué leur vie pour sauver des juifs. Et donc le moins qu'elle pouvait faire, c'est de remercier les Palestiniens dans leur lutte pour la liberté.


56 Michèle Radovanovitch


J'ai souvent le rôle de distribuer des tracts avec une autre personne. Et j'ai dû me mettre dans ce rôle ; et j'aime bien discuter quand les gens s'arrêtent comme une autre personne. On est en général deux à discuter avec les passants. Des gens s'arrêtent, discutent. Alors, ceux qui s'arrêtent, la plupart du temps ne sont pas hostiles, ils sont intéressés très souvent. Des jeunes me disent : « je n'y connais rien », et du coup on se met, on s'embarque dans une prise de parole un peu longue parce que il y a beaucoup à dire. On commence à parler, on croit être d'accord, et puis tout d'un coup on s'aperçoit que non, ils sont complètement contre notre position. Et bien, personnellement, par expérience, je sais que, alors là, il faut rester calme, parce que ça sert à rien de s'emporter. On essaie de convaincre, mais petit à petit je m'aperçois que, dans ces cas-là, ça sert presque à rien de parler. Mais bon, on parle quelquefois longtemps-longtemps inutilement.

 

57 Marine Ullmann


On a eu, et j'ai l'impression que on en a moins, mais il y a eu des agressions, bon verbales, notamment de la part de jeunes, aussi bien jeunes gens que jeunes femmes, des gens qui se réclamaient, enfin qui disaient être juifs et en lien avec Israël. L'argument principal, c'est qu'on y connaît rien, qu'on a rien compris, qu'il faut aller voir là-bas – bon on est plusieurs à y être allées hein - voilà c'est l'argument principal. Mais parfois c'est vociféré d'une façon assez violente. Bon, ça s'est arrêté au verbal ; et il y a encore pas très longtemps, l'été dernier je crois, j'ai discuté au moins une demi-heure avec un monsieur, qui n'était pas jeune lui spécialement, qui m'a déroulé des arguments pour m'expliquer que Israël ne faisait que se défendre contre des dangers extrêmes.

 

58 Marie-Laure Bousquet

 

La proportion de personnes intéressées à discuter et à trouver que ce qu'on fait est – enfin on n'est pas là pour avoir des compliments – mais je veux dire qui s'arrêtent dans le sens d'un intérêt vraiment profond pour la question, d'une manière sympathique, est majoritaire par rapport à les quelques incidents qu'on a pu avoir : de quelqu'un qui une fois nous a arraché notre banderole, de ceux et celles qui nous disent : « Et ça sert à rien et puis vous feriez mieux de vous occuper des migrants, des migrantes de je ne sais pas quoi la sécurité sociale », voilà bon, et puis évidemment des qui sont pas du tout du tout du tout, qui pensent que, automatiquement, que on est contre l'État d'Israël.

 

59 Martine Ullmann


Alors il y a des gens qui jettent un coup d'œil parce que on est visible sur les marches, et puis qui aussitôt tournent la tête et regardent bien devant eux pour surtout qu’on puisse pas les interpeller etc. Il y a des personnes qui réagissent du genre non mais … de quoi elles se mêlent, ou enfin, on ne sait pas très bien, mais c'est quoi cette histoire. Alors on sait pas si c'est aucun intérêt, si c'est elles racontent n'importe quoi ; on sait pas très bien, mais, bon, qui désapprouvent de toute façon. Oui ça arrive, et puis des gens qui passent voilà, qui n'ont pas envie d'entendre parler de ça ou d'autres choses.


60 Sylvie Bruxelles


On a eu une fois la banderole déchirée quand on était en bas, de l'autre côté de la place des Terreaux, là quand il fait chaud on est de l'autre côté, donc là une fois il y a une femme qui est arrivée puis qui a … , bon la banderole est en tissu, elle tenait pas bien, elle l'a déchirée parce qu'elle n'était pas d'accord. Il y en a une qui récemment, qui s’est fait avec une des doyennes du groupe, qui s'est retrouvée à dévaler les marches et qui a été blessée - ça lui a fait quelque chose - mais c'était plutôt, c'était le geste d'une déséquilibrée qui ne savait pas, enfin qui a eu des propos incohérents, et qui n'avait pas conscience que on était un groupe qui étions présent là pour la Palestine.


61 Marie-Laure Bousquet


Dans ces cas là, on a beaucoup eu l'expérience que c'est pas tellement la peine de discuter, parce que, vous savez, ils prennent, ils où elles, prennent le prétexte de notre présence pour être dans leur schéma à eux, mais ça, c'est vraiment, enfin je dirais que ce sont des choses qui se passent de façon assez exceptionnelle quand même, par rapport à, ben oui ,à l’immense majorité des personnes qui, quand elles s'arrêtent, je sais pas sont très ... ah bon ! C'est très intéressant d'observer ça parce que entre les gens qui lisent mais qui voient pas, puis les gens qui lisent et qui sont interpellés « ah tiens c'est quoi les Femmes en Noir ? ». On a eu tout hein : « Ah bon alors vous êtes pour les femmes en burqa ! ». C'est très intéressant parce que ça nous oblige à affiner nos manières de répondre et nos convictions aussi.


63 Martine Ullmann


On a souvent des jeunes qui viennent s'informer - ce qui est une très bonne démarche. Alors il y en a certains, d'ailleurs, qui étudient, alors je crois que c'est en terminale ou en première, je sais pas, il y a il y a quelque chose sur la Palestine dans le programme ; et il est arrivé que du coup des jeunes viennent nous demander davantage de renseignements, ou c'est parce que ils connaissent pas et qu'ils ont envie de savoir, donc c'est bien.


64 Michèle Radovanovitch


On s'est demandé pourquoi il y avait pas plus de jeunes. On a quand même une assez jeune mère, elle est pas souvent là parce que, justement, être mère de famille, et non grand-mère, et bien c'est du temps consacré aux enfants toute l'année, chaque jour de l'année, et c'est un petit peu, on le sait, la raison pour laquelle c'est surtout des grand-mères qui sont là sur les marches de l'hôtel de ville. Donc il y a une raison, je ne sais pas comment l'appeler, mais concernant le temps social des femmes, ou les prévisions un peu à long terme des actions. C'est un temps qui n'est pas celui des jeunes ; le mode d'action n'est pas très attractif pour les jeunes. Voilà ce qui me semble. On en est ennuyé, mais l'important c'est de dire à tous les jeunes qui passent - et beaucoup de jeunes s'arrêtent, ont envie de causer avec nous - que ils connaissent notre mouvement, ils connaissent ce qu'on dit, et c'est une des choses importantes.


65 Marie-Laure Bousquet


Bon alors, ces vieilles croulantes, quand elles seront plus là, il n'y aura plus de Femmes en Noir. C'est possible, mais moi je vous répondrai, à ce moment là, que bon, que les Femmes en Noir disparaissent en tant que tel, à Lyon par exemple, parce qu’elles sont âgées, et qu'elles n'ont pas été capables de transmettre le flambeau à des plus jeunes, il me semble que pour moi le jour, ce qui serait triste, ça serait que les Femmes en Noir disparaissent, et que la situation politique n'ait pas bougé. Pour moi, le fait que les Femmes en Noir disparaissent, ça serait un très très bon signe si, d'une manière ou d'une autre, l’évolution géopolitique de la région avait changé, c'est pour, c'est ça pour moi le plus important. C'est un peu comme, j'en sais rien bon, dans le mouvement des femmes après 68, alors oui y a des vieilles croulantes aujourd'hui, les historiques comme on nous appelle etc ..., bon ça n'a pas fait que le mouvement des femmes s'est arrêté, il y a des très jeunes femmes dans les mouvements des femmes qui n'ont pas la même vision que les anciennes ; et je pense que pour les Femmes en Noir c'est la même chose.


67 - 9 mars 2018

– Extrait de Huda, jemme femme palestinienne : “Je suis née réfugiée”

« Je suis les actualités sur la Palestine exactement comme une étrangère / Même un étranger possède plus de droit que moi en tant que Palestinienne / Au moins il peut entrer en Palestine comme touriste / Il peut voir sa beauté incarnée dans ses montagnes »


– Extrait de Aminata, prisonnière palestinienne : “Assez de souffrance”

« Oh mon emprisonnement, moi j'écris maintenant mais la situation est banale comme la vie des animaux / Mon cœur, assez de bonté car tu vis avec les loups / Oh mon amie, mon cœur à cause de l'éloignement est déprimé / Ca suffit mon cœur, calme-toi et ne pense pas à cet emprisonnement / Tu n'es pas seul dans ta prison »


68 Danièle Walter


Chacune d'entre nous, dans le groupe, écrit régulièrement à une femme palestinienne en prison. Alors nous savons que les courriers ne sont pas distribués ; mais elles savent par l'avocate qui les défend, et que nous finançons en partie, qu'elles reçoivent du courrier. Et ça, c'est important pour elles, sur le plan moral, savoir que, quand même, dans leur isolement de la prison, elles savent que d’autres femmes sont solidaires et pensent à elle. C’est important elles sont mal soignées et mal considérées…

 

70 Danièle Walter

 

Très belle exposition qui était à la mairie du premier, là. C'est donc une jeune femme, peintre, toute jeune, de Gaza, qui a fait des portraits assez terribles parce que la situation, à Gaza, l’est terrible. Et alors, maintenant elle est à Istanbul - je sais pas comment elle a réussi à aller là-bas - mais elle a fait une galerie de portraits très saisissants sur la situation des femmes à Gaza, et des gens à Gaza.


72 Michèle Radovanovitch


La mairie de Lyon a accepté notre présence même si il y a eu, une fois, mais d'autres Femmes en Noir pourraient plus précises à ce sujet, des gens qui regardaient notre veille, qui sont allés dire à la mairie : « comment était-il possible qu'il y ait cette … » mais.


73 Martine Ullmann


Alors, visiblement, quelqu'un de la municipalité n'appréciait pas que nous soyons sur les marches de l'Hôtel de Ville de Lyon. Et donc, bon, a alerté je ne sais pas qui, et un policier est sorti de l'Hôtel de Ville et nous a demandé de descendre des marches. On a d'abord obtempéré tellement surprises par ce qui se passait, et puis après on a décidé que il n’y avait aucune raison. On a demandé un rendez-vous au maire de l'époque, monsieur Collomb. Nous avons été reçues par je ne sais plus quel adjoint, avec qui il y a une discussion, voilà, pour expliquer ce qu'on faisait, nos motivations. Depuis nous n'avons plus d'autres problèmes avec la municipalité.

 

74 chant - Julia Boutros – Sous-titres

 

Où sont les milliers d'arabes

Où est le peuple arabe ? Où est la colère arabe ?

Nous sommes en droit

Nous sommes la révolution

Et eux les amis de l'éléphant

La génération du droit

Et la génération de l'évolution

Les oiseaux « Ababile »

On doit leur jeter des pierres

Pierres de feu

On ne doit pas s'incliner ni tomber

Ni nous soumettre

Ce qu'on a dans nos cœurs

Est plus fort que leurs blindés

Notre révolution ne faiblira pas

Et nos terres nous reviendront


75 Michèle Radovanovitch


On n'a pas le sentiment que ça serve vraiment. Je n'ai pas le sentiment que ça serve vraiment. Les passants d'ailleurs nous font la remarque souvent. Cependant l'utilité de ce qu'on fait n'est pas un critère très présent dans notre action, ça n’ vient pas dans notre réflexion, on se connaît modeste, on sait qu'on est modeste mais dans l'actualité politique générale, on voit tellement de mouvements qui sont petits, qui n'arrivent pas à émerger de façon grande : on est dans ce lot, c'est un peu classique d'être très minoritaires. Ce qui nous ennuie le plus, c'est que quand il y a des massacres comme il y en a eu à Gaza en 2014 avec Plomb durci et avant, avec d'autres guerres sur Gaza, alors là il y a une foule de gens dans les manifestations. C'est ça qui est dommage, c'est que il faille ce sang couler pour que la foule arrive.


76 Suzanne Benoit


Vous voyez peut-être comment les gens, qui passent place des Terreaux, très souvent discutent volontiers et acceptent de partager nos raisons. Je crois que oui, qu'on a un effet, sans doute pas intense mais on a un effet sur l'opinion. Alors comment cela se répercute jusqu'aux forces agissantes, je sais pas. Dans la relation et dans l'histoire de la pensée, dans la vie de la pensée, les questions sont aussi importantes que les réponses et je crois qu'on pose des questions, beaucoup, en faisant ce qu’on fait.


77 Martine Ullmann


Il y a des gens qui disent que les choses peuvent parfois dans l'histoire basculer très rapidement, bon il y a eu un certain nombre de cas : le mur de Berlin, bon l'Afrique du Sud ça a fini aussi par changer... Oui bien sûr je l'espère, alors les Femmes en Noir, le Collectif où nous sommes engagées dans une démarche de Boycott Désinvestissement Sanction, que ce soit au niveau boycotter des produits, enfin ne pas acheter un certain nombre de produits mais aussi faire pression sur par exemple des fonds de pension pour qu'ils se désinvestissent des entreprises qui elles-mêmes sont investies dans la colonisation, la surveillance, les prisons etc .


78 Chantal Buisson


Les médias n'en parlent pas, donc là quand on va par exemple devant un magasin et qu'on se pointe et qu'on dit « voilà, il faut boycotter tel produit qui est dans ce magasin » et ben du coup les gens : « ah bon mais il se passe ça ? », ça interpelle !


78 Suzanne Benoit


Ils font ce qu'ils veulent parce que les menaces ne sont pas prises au sérieux, elles n'ont jamais abouti ; donc le boycott est la seule menace, peut-être petite, mais qui véritablement existe et agit.

 

79 Manifestation du “Collectif 69 pour la Palestine” sur Gaza


« L'occupant, c'est-à-dire l'armée israélienne, décide de ce qui rentre et de ce qui ne rentre pas dans la bande de Gaza. Ces produits sont aussi divers que des semences, que des produits vétérinaires, que du ciment et l'ensemble des matériaux de construction, que des couvertures et des matelas ... »


80 Chantal Buisson

 

Le minimum vital on leur supprime quoi. Si c'est pas de la colonisation qu'est-ce que c'est ? Et quand on parle de ça aux gens ils disent « ben non, c’est pas... ». Qu’est ce que c’est si c'est pas de la colonisation alors?


81 Flash mob du “Collectif 69 pour la Palestine”


« Et il faut exiger du gouvernement français qu'enfin il agisse, au lieu d'avoir des accords commerciaux aujourd’hui avec Israël pendant qu'on tue, pendant qu'on affame. Il faut demander des sanctions ! »


82 Martine Ullmann


Alors au niveau des sanctions puisque c'est « Boycott Désinvestissement Sanctions », ça ce sont les états qui devraient les appliquer, qui ne les appliquent pas. Et en France, on est même loin de ça, il y a plutôt des liens avec Israël, des liens commerciaux, des liens technologiques très serrés, plus une tentative de faire taire les partisans du BDS et partisanes et voilà. Bon c'est vrai que ça fait quand même bouger les choses : au niveau de l'image d'Israël à l'extérieur, elle est quand même très dégradée. Les gouvernements soutiennent toujours Israël mais pas les populations, il y a quand même beaucoup d'actions de par le monde.


83 Michèle Radovanovitch

 

Oui il y a de l'espoir avec... mêlé d'une grande crainte. L'espoir c'est que les Palestiniens arrivent à pouvoir vivre avec les Israéliens sur cette même terre. Sans doute on va y arriver, sans doute les Palestiniens vont pouvoir vivre à nouveau sur l'ensemble de leurs terres. Avec des Israéliens ? Sans doute. Avec tous les Israéliens qui y vivent maintenant ? Sans doute pas car il y a un tel conflit.


84 Suzanne Benoit


Si je me suis engagée c'est parce que j'avais de l'espoir. Je suis pas sûre que j'en aie toujours. Je me rends compte plus qu'avant comment la société, enfin le monde tel qu'il est, avec les nationalismes qui s'exaspèrent, avec l'emprise de l'argent sur la manière de conduire la politique et des intérêts ne donne pas trop d'espoir.


85 Chantal Buisson


Ce qui va permettre aussi peut-être une approche, c'est que la population israélienne se sensibilise, et il y a des Israéliens, des Juifs israéliens qui sont contre la colonisation. On en a rencontré ici en France et là-bas qui font un travail pour sensibiliser la population et leur dire « voilà ce que c'est, voyez vous êtes complice de la colonisation vous êtes complice de populations qui vivent en dessous de tout, qui... » , donc je pense que c'est ça qui, du coup, va faire pression contre les gouvernants quoi, moi je pense qu'il y a que ça de possible.


86 Michèle Radovanovitch


Nous militons chaque fois que l'on peut pour dire : ce n'est pas une guerre qui va pouvoir résoudre le problème ; mais on est si petit, on a vu qu'on était petit comme tout, donc on ne sait pas comment ça va se passer et on peut craindre surtout voyant la position internationale des Etats-Unis, de l'Europe qui ne dit mot, qui dit mot mais qui ne fait rien contre Israël.


87 Martine Ullmann


A l’heure actuelle, deux états, pour moi, c'est impossible et ça ne sert que de fiction aux gens qui disent « non, non, non, on va discuter pour faire deux états » et qui, en fait, ne font rien.


88 Danièle Walter

 

Le projet à deux états est mort je crois, c'est dans l'état des choses. Quand tu vois, quand on voit la carte palestinienne avec toutes ces colonies qui s'installent partout sur les collines, qui mobilisent tous les lieux d'observation et les Palestiniens qui sont réduits à des petits groupes minuscules, avec ce scandale du Mur qui a déjà pris une bonne partie de leurs terres, et puis leurs oliviers qui sont de l'autre côté ; ils font des heures de queue au check-point avant de pouvoir aller cultiver leur terre et ramasser, ils ont 15 jours pour ramasser leurs olives ce qui est infiniment trop peu, c'est la politique de Netanyahu et toute sa bande.

 

89 Martine Ullmann


J'ai écouté récemment une conférence de Virginia Tilley qui est une des deux personnes qui a rédigé un rapport pour la CESAO, donc organe de l'ONU, agence de l'ONU, sur le crime d'apartheid dont Israël se rend coupable et sa conclusion c'était qu'il faudrait en revenir à la Palestine mandataire de 1920 et quelques, où il était prévu que toutes les populations soient égales, et arriver à construire quelque chose là dessus. C'est ce qui aurait dû être fait depuis le départ et c'est ce qui devrait advenir un jour avec bien entendu des droits strictement égaux pour tout le monde.

 

90 Danièle Walter

 

Je sais que mon mari avait eu l'occasion d'aller en Palestine, en Israël, à l'époque d'Arafat. Il y avait encore un espoir que ce peuple soit reconnu dans son intégralité peut-être et qu'on lui restitue, pas ses maisons puisqu’on les a détruites, Mais au moins des territoires où ils pourraient se réimplanter et quand même... ce qui se passe à Gaza, c'est inacceptable !

 

92 Manifestation du “Collectif 69 pour la Palestine” sur Gaza, le 15 mai 2018 place des Terreaux


– « Gaza est le plus grand camp de concentration au monde en ce début du 21e siècle, méthodiquement asphyxié par un blocus implacable et illégal, qui dure depuis plus de 10 ans, grâce à la complicité internationale, de celle, particulièrement, de la France. Tuer froidement des civils sur les grilles du camp de concentration où on les a enfermés, c'est un crime contre l'humanité, les responsables de ce crime devront être jugés et condamnés. »

– Slogans des manifestant.e.s : « Etat d’Israël, état criminel, boycott », « On est là Gaza », « Résistance », « Israël assassin ».


93 9 mars 2018 - extrait de Rawan El-Shawa : “Le cri d’une fille palestinienne”


« Je suis l'Intifada et la pierre / je suis la prison et la prisonnière / je suis la plage et la mer / je suis le peuple et la cause / je suis l'abductrice et l'exilée / je suis la martyre et la blessée / je suis le patrimoine et l'histoire / je suis le plomb et le fusil / je suis le nuage et la pluie.

Savez-vous qui je suis ? / je suis la fille palestinienne, je vous appelle intensément / je vous salue cordialement / malgré l'injustice de l'ennemi / je vais rester ici / je ne serai pas victime comme au passé / mon sang est la dot de la victoire de mon pays »


95 - 9 mars 2018 - extrait de Rafaeef Ziadah, slameuse palestinienne : “A Jérusalem”


« L'homme orange a parlé / il a promis la ville hors du bleu de notre ciel / dit rapidement « Dieu sait mieux » / un Dieu qui a tendance à s'adresser aux blancs / à leur promettre ce qui ne leur a jamais appartenu en premier lieu / un dieu trafiquant l'histoire sur le libre marché »


95 - 9 mars 2018 - extrait de Rafaeef Ziadah, slameuse palestinienne : “A Jérusalem”


« Homme orange / garde ton dieu des gratte-ciels et des terres promises / ton dieu des empereurs et de l'Alliance impie / notre foi est un enfant menotté et cerné par les soldats / notre déesse est une femme s'agrippant au rocher / nous prions le dieu de la poésie / nous nous battons dans les ruelles de la vieille ville / nous prions le dieu de la poésie / à chaque souffle à Jérusalem / nous nous battons »


96 - 9 mars 2018 - extrait de Aminata, prisonnière : “Feu et Flamme”


« Je commence à sentir que mon cœur est mort et mes pensées s'écroulent / où suis-je et où m'amène le courant ? / où suis-je ? où sont-elles parties ma volonté et ma ténacité / Dieu donne-moi la patience. O toi qui crée la patience, tu as la décision. / Inspire-moi la force, ne me laisse pas seule face aux orages./ quand mon âme est devenue comme la terre asséchée, assoiffée pour la pluie / quand mon sang bout dans mes veines comme le feu / je veux être un oiseau libre qui chante sur les branches des arbres / j'espère que les chaînes et les murs se briseront et disparaîtront de ma vie / j'espère que mon âme trouvera la lumière sans aucun obstacle, / je ne veux pas vivre dans la peur, les surprises et les blessures……/ Qu'est-ce qui a rendu ma tête prisonnière et mon cœur en feu et flamme ? / Qu'est ce qu’ils font à moi l'univers, l'aliénation et les destins ? »


98 ITV 01

 

– (FEN) : « En fait nous ça fait 15 ans à Lyon qu'on s'est joint à ce mouvement international des Femmes en Noir qui, comme c'est indiqué sur ce tract que je vais vous donner, a été créé par des femmes israéliennes elles-mêmes à Jérusalem. Et là sur ce tract général il y a un peu la base de la raison pour laquelle on est là tous les vendredis assidûment c'est d'abord

– (Passant) : tous les vendredis ?»

– (FEN) : Oui, tous les vendredis de 6 à 7

– (Passant) : D'accord. Ok. Très bien ! »


99 ITV 02


– (FEN) : « Je vous donne un tract actualité qui parle de la mobilisation de la population de Gaza contre le blocus, pour leur retour de là où ils ont été, dans leur village, là où ils ont été chassés voilà

– (Passant) : c’est bien continuez !

– (FEN) : Merci !

– (Passant) : Bonne journée, au revoir »

 

100 ITV 03

 

– (Couple de passants) : « On se renseigne un peu du mieux qu'on peut, bon après les médias classiques ne révèlent pas forcément les bonnes informations et celles qui nous intéressent mais … Une branche de l'ONU en fait qui s'occupe des réfugiés et on recrute en fait des donateurs pour cette association, on connaît bien les conflits palestiniens syriens, tout ce qui se passe un peu dans les pays où il y a des conflits armés et des persécutions. En tout cas bravo ! »


101 ITV 04


– (FEN) : « Je vous dis, y a des groupes partout, en Amérique, dans les pays du Nord ; en Afrique je sais pas. Mais voilà en tout cas ça vous permettra d'avoir peut-être des idées plus nettes et mieux informées. Hein, n'hésitez pas on est là tous les vendredis depuis 14 ans. »


102 ITV 05

 

– (Passant) : « Ce qui est très important, c'est l'humanisme. C'est l'humanité qui parle et tout ce qu'on veut bien voir

– (FEN) Evidemment la paix se construit avec la justice

– (Passant) Exactement »


103 ITV 06

 

– (Passant) : « J'espère que la Palestine, elle trouvera un jour sa liberté voilà, donc malgré que la moitié de ses territoires sont occupés, et on peut pas changer les choses parce que les Israéliens ils ont pas un pays ; donc où est-ce qu'ils vont partir, donc ils vont rester. Mais j'espère qu'un jour qu'ils vont trouver un arrangement et partagent les terres et vivent en paix. Voilà … en paix »


104 ITV 07


– (FEN) : « les Femmes en Noir, on n'a pas de fond, on est un mouvement, on n'est même pas une association avec des statuts etc ...,

– (Passant) : Mais vous faites comment alors ? C'est vos propres moyens à vous ?

– (FEN) : C'est nos propres moyens

– (Passant) : Et des dons de particuliers, non ? Même pas ?

– (FEN) : Non. Ce qu'on fait c'est qu'on vend des badges comme ça, parce que on est en lien avec une association de femmes israéliennes qui soutient les prisonnières politiques palestiniennes ; et donc, quand on a un peu de sous, on leur envoie

– (Passant) : C'est bon à savoir alors, courage ! »


105 ITV 08


– (Vidéaste) : « Qu'est-ce que vous pensez de ces dames qui sont la ?

– (Passant) : Ca dès que j'ai vu et surtout par rapport Shalom / Salam / la paix ça m'a interpellé et ça m'a fait frémir un peu ; j’ai des poils qui se sont soulevés, des bras ! non vraiment. »


106 ITV 09

 

– (Passante) : « On est venu parce qu'on a vu la banderole et du coup on a récupéré les papiers pour plus se renseigner. Et je trouvais ça très bien comme mouvement oui ! »


107 ITV 10


– (Passant) : « Je connais un peu la Palestine ; moi, je suis dans une organisation qui fait des voyages et on fait des voyages sur la Palestine. On est à Poitiers. »


 

108 ITV 11


– (FEN) : « On a eu des jeunes qui sont venus un peu nous interviewer en nous disant : « ah oui on a fait ça en classe ». J'avais l'impression que c'était des plus grands que des troisièmes.

– (Passante) : Je pense après il y a une sensibilisation qui est forte quoi qu'il en soit des élèves, parce que ça parcourt la société quoi qu'il en soit cette question-là. »


109 ITV 12


– (Passant) : « Je connaissais pas votre mouvement. C’est superbe. »


 

110 ITV 13

 

– (Passant) : « Tout-ce qui s'est passé avec le nazisme et Israël, Israël est en train de faire exactement la même chose. Créer un mur pour entourer une bande de terre c'est déjà, c’est faire une extrême référence à la guerre froide, avec le mur de Berlin. Je suis quelqu'un de 24 ans, je ne comprends même pas l'époque dans laquelle on vit parce que avec tout ce qui est en ce moment - les mouvements de Justice Warrior etc ...- ils sont en train de, justement, de faire renaître le fascisme. Quand on voit que Israël a l'appui des Etats-Unis ; et que justement vu qu'il a l'appui des Etats-Unis, on ne peut rien faire. Ils font tellement en sorte qu'on pleure sur leur sort, qu'on en oublie le reste de l'humanité. Alors que c'est des choses qui se passent depuis la nuit des temps. Est-ce qu'on fait toute notre vie en sorte de défendre ce qu'on a vécu ? Où est-ce que, justement, à cause de ce qu'on a vécu, on a un séquelle on a un traumatisme et on le fait subir aux autres. Avec Israël, Israël-Palestine, c'est exactement ce qui est en train de se passer. »

 

111 ITV 14

 

– (Passant) : « Ce sont que des femmes d'un certain âge, donc vous êtes par rapport aux générations euh … Oui mais il faut, mais il faut ; mais ce que je veux dire, ce que je veux dire, c'est que je comprends pas pourquoi il y a pas plus de jeunes et plus de diversité avec vous ; c'est un combat, mais c'est... putain ! on vit, on est en 2018, on se dit en France, on se dit avoir eu beaucoup de philosophes, on parle de Socrate, on parle de Nietzsche, d'Einstein, et pourtant il ne se passe, il ne se passe rien ! Donc moi je me revendique totalement antirépublicain, punk de no futur, et malheureusement c'est pas par envie que je dis ça, parce que j'aimerais bien qu'il y ait un futur. Mais je vois pas comment on peut arriver à un futur décent à notre époque. »

 

112 ITV 15

 

– (Passante) : « Franchement je suis très très émue de vous voir, vous, je vais pas dire … des femmes blanches, euh enfin dire des femmes blanche,s mais franchement nous on est de confession euh musulmane, et moi ça m'a touchée énormément que des femmes comme vous soutiennent la Palestine, je vais pleurer (larmes) ... »

 

113 ITV 16


– (Passant) : « Ben jamais vous n’avez pu mettre une réponse sur le fait pourquoi l'État français ou l'Union européenne ne va pas, enfin, n'intervient pas dans ce conflit pour remettre un petit peu la paix dans cette région du monde. »


114 ITV 17


– (Passante 1) : « Est ce que je peux vous prendre ... Merci beaucoup, génial et du coup c'est ouvert à tous. Donc on est habillée en noir ou comment ça se passe en fait ?

– (FEN) : Ben oui vous venez quand vous voulez

–  (Passante 2) : C'est juste l’emblème de leur association

– (Passante 1) : D’accord, d’accord

– (FEN) : Voilà … C'est un mouvement de femmes parce que depuis le départ c’est un mouvement de femmes. On participe au collectif 69 pour la Palestine qui est mixte hein, je vous rassure, mais le mouvement des Femmes en Noir, c'est un mouvement de femmes. »


115 ITV 18


– (Passante) : « Je voulais vous dire que je suis pas d'accord pour qui se passe en Palestine. Il faut mobiliser le plus de gens possibles pour qu'ils essaient de réagir à ce qui se passe ; donc voilà pas beaucoup de soutien, mais voilà, merci beaucoup. »


116 ITV 19


– (Passante) : « Cette espèce de, comment on dit de conflit, de rivalité, genre on a l'impression, on fait des gros amalgames, on se dit ouais c'est les personnes qui habitent en Israël qui disent ça, qui pensent çà, et toutes les personnes enfin, alors que non il reste des personnes en Israël qui sont contre ce mouvement là, d'occupation, de machin ; je trouve qu'on en parle pas assez en fait, enfin… ça passe vraiment euh

– (FEN) : Ben déjà le gouvernement et les officiels sont dans une toute autre politique comme vous le savez hein, c'est surtout eux qu'on entend hein ... »


117 ITV 20

 

– (Passant) : « Je suis très au fait de l'actualité de cette société horrible qui se passe en Palestine et de ce problème sans fin qui dure depuis maintenant 48

– (FEN) : Oui oui

– (Passant) : Voilà et puis l'espoir de paix d'Yitzhak Rabin et de Yasser Arafat, il y a très très longtemps, malheureusement n'ont pas été poursuivis après l'assassinat de ces deux personnes monumentales. Et je crois que il faudra peut-être trouver d'autres moyens de lutte, et je trouve que le mouvement de ces Femmes en Noir, de ces palestiniennes, je pense que peut-être de là viendra, peut-être, une nouvelle forme de lutte et j'espère que, au bout de … ça fait maintenant 70 ans, que cette occupation dure et je trouve que pour le bien à la fois israélien, à la fois des chrétiens, à la fois des Arabes israéliens, des Arabes vivant en Palestine etc ... ça serait vraiment bien parce que ça reste un point d'abcès énorme dans le Proche-Orient. »


118 ITV 21

 

– (FEN) : « Effectivement, c'est au niveau de toute la population

– (Passant) : Exactement

– (FEN) : Qui voudrait, faudrait trouver cette entente sur une raison Justice et Paix

– (Passant) : Heureusement que de l’autre côté, en Israël, les Palestiniens peuvent trouver, rencontrer des hommes et des femmes épris, éprises de paix ; et je pense que c'est en prenant dans chaque camp des gens qui sont à la recherche de la paix, qu'on pourra peut-être faire un pas. En tout cas, la lutte armée a montré son incapacité pendant 50 ans ; pendant 50 ans ça n'a marché. Il faut vraiment maintenant que les gens de bonne volonté se disent « 2 peuples 2 terres et puis une bonne entente » ; je pense que c'est ce qu'il y a de mieux à faire. »

 

GENERIQUE DE FIN


 

Les Femmes en Noir de Lyon :
Nathalie Barbe,
 Janny Beekman, Suzanne Benoit, Françoise Biboud,

Marie-Laure Bousquet, Sylvie Bruxelles,
 Chantal Buisson,
 Francine Chapuis, Catherine Chavichvily-Porthier,
 Line Clément,
Marie-Camille Conjard,
Fanny Dandachi,
Chantal Gérard,
Françoise Malfroid,
Marie-Noëlle Mille,
Claude Morizet,
Pascale Paillard,
Michèle Radovanovitch,
 Michèle Sellier, Christiane Sonthonnax, 
Anne Thierry,
Martine Ullmann,
Bernadette Vial,
Danièle Walter

Photographies 
Eitan Altman



Musiques :
Eitan Altman,
Julia Boutros
Musiques traditionnelles de Palestine



Images :
Eitan Altman,
Philippe d'Hennezel,
Dominique Noly



Prise de son :
Dominique Noly



Réalisation et montage :
Philippe d'Hennezel
Production

Copyright

 

Texte de la banderole

Shalom / Paix / Salam

Palestine

Evacuation des territoires occupés

Femmes en noir - Lyon

Soutien aux forces de paix