Pour qui sonnent ces clochettes

 

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Genre :documentaire - Durée : 18  minutes - Support : 16 mm couleur - Image et  Réalisation :Philippe  d'Hennezel

Son : Pablo  Rosenblatt - Montage : François  Sculier - Producteur : Christian  Lelong pour Cinédoc Év'art

 

Fiche  technique

Ce projet a été développé dans le cadre d'une formation Cinédoc Év'art encadrée par Florent Jullien avec le concours de Michel André, Christian Cuilleron, Florence Lioret, Jean-Marc Moisy, Marie-Pierre Muller, Edna Politi, Jean Rouch, François Sculier et Bernard Villeneuve.

Avec le soutien de AATON, AFDAS, CNC, DRAC et Région Rhône-Alpes, KODAK

 

 

 

Beaucoup d'expériences sont tentées pour lutter contre l'exode rural.  L'une  d'entre  elles  retient  particulièrement  mon attention : accueillir des artistes dans un village et leur offrir les moyens de venir y travailler ou exposer leurs oeuvres. Comment cette action, reproduite dans de nombreuses régions qui se dépeuplent, est elle vécue par les autochtones et par ces "étrangers". En plein centre du massif des Bauges s'étend le village du Châtelard traversé par une seule rue principale. Triste rue où l'on ne voyait que des anciennes boutiques désaffectées et des maisons abandonnées. Les gens disaient que ce village était mort. Aujourd'hui il semble revivre avec une dizaine d'artistes qui sont venus s'installer à la demande du maire, l'hiver dernier. Ils ont investi les locaux et leur ont donné des couleurs. Vu de loin, ce village est très photogénique. Les touristes de passage sont nombreux à vouloir en capter l'image. Comme ces artistes, j'aimerais trouver des éléments de réponse à cette question.

 

Sujet

Quelle est la place de l'art dans notre société actuelle ? Cette question est posée ici dans un cadre particulier. D'un côté, vivent des paysans qui n'ont jamais cessé d'être méfiants vis à vis de ceux qui ne sont pas nés sur leurs terres, et qui ne font pas la même chose qu'eux. Cependant, ce fait accompli (village d'art) les amène à ouvrir un peu plus les yeux sur l'art et ceux qui le pratiquent. De l'autre côté, les artistes se demandent ce qu'il convient de faire pour justifier leur présence. Ils ne sont pas venus que pour aider au développement touristique des Bauges. Ils ont à leur tour un regard sur les paysans, la campagne qui les entourent.

 

Intention

La juxtaposition de ces regards qui s'affrontent, se croisent, et s'observent, constitue la trame de ce film. Le film se construit sur des entretiens qui vont mettre en lumière les sentiments les plus personnels de chacun : l'art pour les gens des Bauges, la campagne et son cadre de vie pour les artistes.  C'est par l'enchaînement et le montage des réponses que se révèle l'aboutissement d'une réflexion sur le rôle de l'art et des artistes en milieu rural.

 

Les uns sont là pour témoigner d'un passé auquel ils sont profondément  attachés,  souvenirs  d'une  population  plus nombreuse,  qualité  de  vie  rurale  à  l'ancienne  sans  la mécanisation agricole, veillées au coin du feu que la télévision a supprimé. Les autres, et donc ces artistes "étrangers", ont d'autres motivations qui n'entrent pas dans ce cadre de vie. Par la mise en valeur de l'art, ils risquent de dénaturer un lieu de vie. Mais n'est-ce pas souvent le prix à payer pour évoluer, et donc accepter la présence de l'autre sur son territoire, où la politique  du  "chacun  chez  soi"  est  source  de  conflit ? L'important n'est-il pas plutôt de voir chez l'autre la projection de ses sentiments propres à la condition humaine : vivre de son travail ? Ici le film explore ce terrain de rencontre, objet de réflexion devant lequel est confronté le spectateur.

 

Traitement

Quelques plans fixes sur les paysages, les villages, les vaches, cette rue des artistes, mettront le spectateur à l'épreuve. C'est beau ! Oui, certes, mais il n'est pas venu au cinéma pour regarder un film de vacances. Alors prenons la peine de chercher au-delà de la carte postale une vérité à côté de laquelle nous ne faisons généralement que passer. Or, comment toucher le spectateur? Mettons-le dans l'esprit et la situation d'un touriste qui, séduit par un décor, un paysage, entre dans un magasin de souvenirs pour acheter une carte postale. Pourquoi choisit-il précisément cette carte, et que va-t-il écrire au dos ? Sans doute rarement ce qu'elle signifie. Il lui faudra s'arrêter plus longtemps pour découvrir que ce lieu est autre chose qu'un décor. C'est en regardant d'un peu plus près ceux qui vivent. Il y a donc une démarche à accomplir. Aller vers eux, chez eux et entrer dans leur intimité. On découvre alors ce qui les réunit ou les oppose. La vache, emblème des Bauges, est elle reconnue autant par le peintre que par le paysan comme un animal mystique ? Ce n'est pas seulement utile, elle est un spectacle dans la nature, sur une  toile. Un paysan ne s'arrête pas devant une peinture trop abstraite de Nahla. Pourquoi le sculpteur Michel Giachetti cherche tant à avoir la paix dans son petit village, loin du Châtelard. Et enfin Elise, cette vieille femme de 86 ans, qui elle aussi adore regarder les vaches, ira peut-être voir un jour comment elles sont peintes par Inis. Cette présence presque constante des vaches, ce village avec sa rue et ses boutiques qui restent vides malgré  tout,  participent  étroitement  aux  sentiments  que développe chacun des personnages face à l'évolution du décor dans lequel il vit.

 

Personnages

Le portrait que j'en fait permet de les situer dans leur vécu choix d'un lieu, questions particulières â son activité (peindre, sculpter,  traire  les  vaches,  organiser  sa  retraite),  son environnement familier (la nature, un quartier, une maison), ses angoisses (échouer, perdre un emploi) et ses rêves (avoir la paix, vivre en harmonie avec les autres, découvrir un paradis).

 

Elise

Une vieille femme qui vit depuis son enfance dans un autre petit village distant de quelques kilomètres du Châtelard. Malgré son âge, elle est encore très vivante, curieuse, souriante, réfléchie,  et attentive envers  sa fille qui vit avec  elle,  institutrice à la retraite. Très attachée à son pays, elle vit de ses souvenirs, mais aussi de l'affection que lui porte ses enfants. Sa passion, c'est la beauté de la nature qu'elle ne se lasse jamais de contempler. Son monde, ce sont les paysans, les forêts, les vaches, les sommets qui dominent, les touristes et les ouvriers qui autrefois venaient manger dans son restaurant qu'elle a du fermer. Elle est d'un autre temps.  Sa fille, Georgette, est célibataire. Devant assister souvent sa mère dans les tâches quotidiennes, elle parvient malgré tout à bien gérer sa retraite. Elle reçoit ses amis, leur fait visiter les Bauges, assiste à des concerts à Chambéry, et ne manque jamais une exposition de peintre ou de sculpteur.

 

Inis

Peintre d'origine italienne, locomotive de ce projet avec le maire du Châtelard. Passionné et ambitieux, il voudrait faire de ce village l'équivalent de Saint-Paul-de-Vence. Il vit dans la nostalgie de son pays d'origine, la Calabre, dont il retrouve l'ambiance dans ce massif des Bauges. Il habite en semaine à Saint-Jean-de-Maurienne où il a son atelier. Il ne vient donc au Châtelard  que pendant les deux mois de vacances, et le week-end. Avant même cette opération, il avait acheté une petite maison à 2 kms du centre.

 

Michel Giachetti

Sculpteur, vivant dans les Bauges depuis 17 ans, très sceptique quand aux aboutissements de ce projet, il préfère être visité dans son village (Le Noyer) où il a installé son atelier. Par contre, sa femme Marie n'a pas la même vision des choses. N'ayant pas d'activité professionnelle, c'est pour elle une "occupation"  que de se rendre au Châtelard pour arranger sa boutique, et attendre le client.

 

Nahia

Jeune femme peintre venue d'Annecy, elle est la seule des artistes à habiter le quartier, juste au-dessus de sa boutique. Elle est donc bien placée pour constater avec lucidité que la partie engagée pour redonner la vie à ce village n'est pas gagnée.  En  semaine,  et même parfois  le  week-end,  les boutiques restent fermées

 

Pierre  Rocher

Un paysan attaché à sa terre par tradition et par héritage depuis plusieurs générations, exprimant bien ses difficultés à conserver un patrimoine, un outil de travail face aux pressions économiques. Il est très critique sur cette opération qu'il juge trop commerciale et lucrative.