35 - MONTHUREUX SUR SAÔNE

 

VI -  Sommaire

 

 Monthureux sur Saône

  L’accueil du curé, l'abbé Didier-Laurent, prêtre âgé, malade et bourru - Les  Hennezel qu’il a connus - Epitaphe d’une dame Colin née Hennezel (1821).

 

 La Cote

 Chapelle St Antoine - Un retable aux armes de Beauvau -Sépultures de gentilshommes de la Rochère, du Houx (1782), Massey (1770) - Pierres tombales de 1581-1615, origines de la chapelle.

 

La verrerie de Selles

Un Hennezel à son origine, Georges Sgr de Bourmont (1591)  - Un autre à son déclin, Léopold du Mesnil, chevalier de St Louis (1825) - Pendant deux siècles habitée par des du Houx, des Massey, du Fay, de la Woivre, de Beaupré, de Fontaine - Incendie de la verrerie (1723) - Humeur de M. de Fay - La famille de France - Les onze enfants de M. et Mme de Fontaine - Agression contre le  dernier maire de la verrerie (1771) - Situation du hameau, site sauvage et triste - Taque aux armes de Lorraine - Pierre de fondation de C. du Houx en 1793 – « vive Bacchus, taque de 1703.

 

 

 

Monthureux sur Saône  (8 juillet 1929)

 

 

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 Ce bourg a la chance d’avoir pour curé un prêtre érudit,  l’abbé Didier Laurent. Sa compétence en histoire régionale est notoire, ses études font autorité. Puisque nous sommes ses paroissiens de passage, comment ne pas rendre visite à ce savant homme.  On le dit original, de caractère difficile aimant  la polémique. J’en ai eu la preuve il y a une vingtaine d années. M. Paul Rodier m’avait tenu au courant d’une violente polémique au sujet des origines chevaleresques de la famille de Bonnay entre une demoiselle de ce nom et le curé de Monthureux.

 

L’abbé Didier Laurent ne croyait pas à ces prétentions, il avait jugé bon de l’affirmer dans une feuille locale, en termes spirituels, mais blessants. Historiquement l’érudit avait, je crois, raison. Mais la descendante des Bonnay s’appuyait sur des preuves officielles du XVIII° siècle. Elle était d’une incontestable bonne foi, elle ne pouvait soupçonner les truquages fréquents de ce genre de documents.

 

Vers dix heures, je sonne au presbytère...

Un prêtre âgé apparaît à la porte du fond, son visage est ravagé. Il est maigre et marche difficilement. Sa soutane est tachée, élimée, à demi déboutonnée.

 

Il tient ma carte à la main. Sans autre préambule, il me dit d’un ton sceptique :

 

- « Alors, vous êtes un comte d’Hennezel... »

- « Oui, M. le curé, de Hennezel d'Ormois". J’appuie sur le deuxième nom.

- « C’est qu’ils sont tous comtes depuis qu’ils ont quitté le pays, réplique t-il d’un air narquois. Moi, j’en ai connu pourtant qui auraient fait de bien pauvres comtes.

 

Quel drôle d’accueil, évidemment, ce prêtre original ignore l’aménité. Il ajoute.

 

- « Ils avaient d’autant plus de prétentions qu’ils ignoraient complètement ce qu’était leur famille. Tous les gentilshommes verriers étaient comme cela. L’affaire de mademoiselle de Bonnay me revient à l’esprit.

 

Il poursuit.

 

- « Qu'est-ce qui vous amène monsieur... »

 

Je me jette à l’eau. en quelques mots, j’explique au vieux curé mon désir d’être renseigné, avec toute l’exactitude possible, sur le passé de ma famille, m’étant aperçu du peu de valeur des preuves de noblesse, au point de vue historique. Et en lui faisant part de mes découvertes, je lui dis mes désillusions, ainsi que l’intérêt croissant que je découvre à étudier les gentilshommes verriers, au triple point de vue familial, social et industriel. J’insiste sur ma volonté de ne me référer qu’à des documents originaux. Quelques exemples typiques soulignent mon exposé. Puis, je précise l’objet de ma visite.

 

« Je tiens autant que possible à accompagner mon travail de recherches dans les archives de visiter les lieux où vécurent les Hennezel. Les vestiges anciens de leurs demeures, si modestes qu’elles aient été, les inscriptions, les épitaphes, les moindres souvenirs oraux, tous me sont utiles. Je suis à Monthureux pour une dizaine de jours, afin de me trouver au centre de mon champ d’action. Alors, je n’ai pas voulu être votre paroissien de passage M. le curé, sans vous présenter mes devoirs et sans recourir à votre parfaite connaissance de l’histoire du pays ».

 

Le vieux savant me regarde avec curiosité, il semble satisfait. Il devient aimable, il offre de m’aider ...

 

- « J’ai, me dit-il, bien des notes sur ces familles, mais il faudra que je les recherche. Si vous pouvez revenir me voir, d’ici trois ou quatre jours, je vous dirai ce que j ai trouvé ».

 

Ne voulant pas partir les mains vides, je lui pose quelques questions.

 

- « Avez-vous connu les Hennezel qui ont habité Monthureux même, M. le curé, où demeuraient-ils... existe-t-il quelques souvenirs d’eux... »

 

Il me répond.

 

- « Un M. d’Hennezel de la Neuve-Verrerie fut percepteur à Monthureux, au milieu du siècle dernier, il habitait la maison où demeure actuellement le notaire vous la trouverez facilement, elle est au coin de la place du marché, c’est la dernière à gauche en descendant la rue en venant de l’église. Plusieurs de ses enfants sont nés ici, j’en ai connu trois ».

 

- « L’aîné des fils entra au séminaire, il fut longtemps curé de Luvigny, il se retira à St Oie où il est mort vers 1900. Le second, Henry, sous-officier de carrière, devint employé d’octroi à Paris. Sa fille habite aujourd’hui Bleurville, elle est dans une situation précaire. Enfin le troisième, Adrien, fut cultivateur à la Neuve-verrerie, il avait épousé la fille d’un négociant de Fignevelle. Il n’eut, je crois, pas d’enfants. Il est mort à la Neuve-verrerie, il y a une vingtaine d’années. Il fut le dernier de la famille à habiter là-bas ».

- « C’est exact, M. le curé, je suis passé l’an dernier à Charmois, j’ai vu dans le cimetière la tombe d’Adrien d'Hennezel. A la Neuve-verrerie, j’ai fait la connaissance d’un cultivateur, M. Colin qui habite maintenant sa maison ».

- « Colin, répond le prêtre, vous retrouverez ce nom ici sur un vieux monument du cimetière. Sous la restauration, il y avait un Colin, chevalier de St Louis- et juge de paix à Monthureux, époux d'une d'Hennezel. La tombe se trouve près d’une porte de l'église.

 

Je poursuis.

 

- « Mais où habitait à Monthureux sous l’empire, une autre famille d’Hennezel, celle de Godoncourt ? Le père fut longtemps receveur des postes ici ».

- « Ah celui-la était neveu du percepteur. Il demeurait dans la maison qu'occupe actuellement le pharmacien. Je l’ai également connu ainsi que ses fils, Paul le Comte qui a été à Madagascar, et Léon le fabricant de papier à Godoncourt ».

 

Paul est revenu mourir à Darney près de son cousin le médecin major d'Hennezel, en 1914, quelques mois avant la guerre. Sa fille a été la première à se faire appeler comtesse, après la mort de son beau-père, l’ancien receveur des postes. Le commandant a laissé des enfants et des petits-enfants. Quant au docteur de Hennezel, il est mort pendant la guerre, sa veuve habitait toujours Darney. Elle a eu un fils officier tué en courses. Il lui en reste un autre qui est dans les consulats et qui se fait aussi appeler comte. Mais ces générations ont tout a fait quitté le pays. Je ne crois pas qu’elles y reviennent »

 

Je prends congé du prêtre et m’empresse d’aller voir l’épitaphe près de l’église.

 

Ci-gît Mme Marie Christine d'Hennezel

épouse de M. Colin Capne Cher de l'ordre de St Louis

et juge de paix du canton de Monthureux

décédée le 9 septembre 1821

priez dieu pour le repos de son âme

requiescat in pace

  

Je ne connaissais pas cette alliance Colin/Hennezel. Quelle était cette dame... elle ne figure pas dans ma généalogie de 1901. Puisqu’elle est morte ici, l’état civil de Monthureux me renseignera, je profiterai de mon séjour pour aller l’explorer.

 

Tout au début de l’après-midi, nous arrivons à la Rochère. Le capitaine de Massey est là. Il nous reçoit...

 

Nous commençons la visite par le village de la Cote dépendant de Passavant, Il est à l’est de Passavant. Au milieu du village et faisant face au château de Passavant à pic au-dessus du Vaulon, se trouve une vieille chapelle. Assez écrasé, le monument est très simple, un modeste clocher de bois le surmonte. Deux contreforts et quelques fenêtres aux linteaux arrondis sans ornement révèlent un édifice religieux. La porte d’entrée est au sud, l’arc en accolade sculpté sur le linteau indique une construction du XVI°siècle.

 

Cette petite chapelle est dédiée à St Antoine, elle peut contenir environ deux cents personnes, mais on y voit rarement la messe.

 

L’intérieur, un peu à l’abandon, ne présente qu’un curieux monument, un retable en pierre sculptée et coloriée, l’oeuvre date de la renaissance et son exécution est naïve. Elle représente le christ assis auprès de la colonne de la flagellation et entouré des instruments de la passion. De chaque coté deux écussons coloriés, l’un est écartelé, au I. d’argent, au II. d’argent au lion d’or, au III. de gueules, au IV. d’argent sur le tout à une croix d’azur brochant sur l’écartelé. Le second écusson est parti aux armes de Beauvau, d’argents à quatre lions de gueules et  partie aux armes précédentes

Les écus sont certainement les blasons des donateurs du retable. Celui-ci est surtout curieux par sa forme incurvée ou arrondie.

 

Après cette découverte mes yeux se portent instinctivement vers le sol. Malgré le demi jour qui règne, le sol apparaît entièrement couvert de pierres tombales. Le plus grand nombre porte simplement une croix, quelques uns des lettres ou des signes. La plupart sont malheureusement effacées par l’usure. Il est presque impossible de lire les épitaphes. Ne serions-nous pas en présence de  sépultures de gentilshommes verriers de la Rochère ...

 

Voici, au bas de la nef, devant la porte d’entrées, une dalle plus visible que les autres, elle concerne justement un du Houx de la Rochère. La pierre est grande, l,60 m sur o,90 m, l’épitaphe est facile à lire.

 

cy-gist

le corps de messir

Marc Antoine du Houx chevalier

décédé à la Rochère le 26avril 1782

âgé de 32 ans

priez dieu pour son âme

 

Le capitaine de Massey connaît à fond l’histoire de la Rochère, il lui est facile d’identifier ce personnage. A coté de cette dalle, une autre plus petite de 1m sur 0, 601m. Elle est un peu plus ancienne, je copie,

 

de Massezt

le dus...nde

Massez et dame

Agnès de Hennezel

décédée en 1770

 

Cette épitaphe doit concerner un enfant de Jean-François de Massey, originaire de la verrerie de Selles, et de Marie-Agnès de Hennezel de Bazoilles, mariée au mi­lieu du siècle (1753). Le mariage avait eu lieu à Belrupt, où demeuraient les parents de mademoiselle de Bazoilles. Le contrat se trouvait a Vougecourt dans les archives de mes cousins de Bonnay. Agnès de Hennezel mourut presque cente­naire (quatre vingt seize ans) dans sa maison de la Rochère., en 1807.

 

Cette chapelle servait donc bien de lieu de sépulture pour les gentilshommes de la Rochère. Cette découverte nous fait examiner attentivement d’autres parties du dallage. Mais il fait très sombre et les pierres sont usées, je relève cependant les dates de 1581 et 1613 ...

 

D’après le chanoine Perrot de Belfort , la chapelle de la Cote, dite chapelle ronde, a pour origine la mort, en cet endroit très boisé autrefois, d’un prince de Beauvau Sgr de passavant, la tradition veut qu’il soit mort à la chasse, éventré par un sanglier. Cette chapelle fut élevée à sa mémoire et le retable est un ex-voto funéraire. L’écusson aux quatre lions est bien celui de Beauvau...

 

 Suite Monthureux  

 

Nous continuons notre promenade vers la verrerie de Selles.

  

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