42 - première visite au morillon

 

Le morillon, verrerie et domaine fondés par les Massey sur le Fay de Malcouroy, domaine concèdé par les sires de Vauvillers (1623 – 1625). Des du houx et des Finance leur succèdent.

 

L’ÉTANG du Pas de Cheval

Crée par Nicolas de Vioménil (1554), site charmant, hameau jadis peuplé et prospère, aujourd’hui déserté - Vestiges d’une maison Henri IV à fronton armorié. La chapelle du village s’écroule au milieu des broussailles – L’ancienne demeure des Massey, propriété de la famille Oudinot, vide et inhabitée - Spécimens des bouteilles fabriquées au Morillon - Au milieu d’une prairie et d’un jardin abandonné, ruines d’une belle maison Louis XV, bâtie pour loger deux familles, sa façade écroulée appartient à M. Toussaint, de Passavant, les bâtiments d’exploitation dépendant aux héritiers Conraud d'Hennezel. Mystère du passé de cette demeure - Les causes probables de l’agonie du hameau.

St Vaubert est en Lorraine, le Morillon en Comté, il fait partie de la commune d’Ambievillers. Un mauvais chemin y conduit.

Au débouché de la forêt, un site charmant apparaît, un clair étang de forme oblongue, vrai lac en miniature baignant à l’ouest le pied des hautes futaies, à l’est. De vieilles maisons, des vergers, des champs s’échelonnent sur une pente douce. Ses eaux limpides, reflets argentés du ciel, donnent au paysage l’âme qui manque à Thomas, depuis qu’ont disparu les « retenues d’eau » créées par les Thietry.

Le morillon était l’oeuvre des Massey.

Il y a quatre cent six ans, deux gentilshommes de ce nom, le père et le fils Gérard et Marc, découvrirent ce vallon verdoyant. Nos ancêtres recherchaient les solitudes où ils pouvaient rester maîtres, les bois qui les faisaient vivre. Ils aimaient les saintes fatigues de la terre. La pureté de ses travaux... séduits par ce lieu sauvage, les Massey le choisirent pour pousser leur charrue dans son sol, parfois hostile et rude. Ils jugèrent que la terre de ses pentes serait sensible à leurs soins. Ils estimèrent l’endroit propice à l’établissement de fours de grosse et de menue verrerie, ils pratiquèrent ces deux arts.

Les Massey venaient des forêts à l’ouest de Bleurville. Là-bas, en compagnie des du Houx et des Bigot, ils avaient mis en oeuvre des verreries au haut-bois après avoir découvert le Fay de Malcouroy, lieu dit où s’élève le Morillon, les deux gentilshommes obtinrent d'Erarde du Châtelet, sire de Vauvillers, la concession du terrain indispensable à la réalisation de leurs projets. Ce grand seigneur leur reconnut en même temps, la possession immémoriale de droits et de privilèges, analogues à ceux accordés par le duc de Lorraine aux autres verriers du pays (6 avril 1623). Deux ans plus tard, Nicole de Lenoncourt, veuve d’Erarde et tutrice de son fils Nicolas, confirmait en faveur de Marc, fils de Gérard, l’ascensement consenti par son mari (17 avril 1525).

Laboureurs qualifiés autant que maîtres en l’art du verre, leurs descendants ont maintenu la fécondité du sol de leur choix pendant des siècles. Sous cet horizon paisible, ils ont fait flamber des fours, bâti des maisons, cultivé des jardins, soigné des vergers, fauché des prairies. Ils ont capté des sources, creusé des puits, peuplé des étangs. Ils ont élevé des fils et des filles, des neveux et des cousins. Ils ont eu du blé, du pain et des fruits, des troupeaux, du poisson, du gibier.

Le domaine prospéra, il fut hanté par d'autres familles de leur parenté. Un quart de siècle plus tard, les héritiers et successeurs de Gérard et de Marc, trouvant l'étendue du domaine primitif insuffisante pour la vie de leur foyer, obtinrent l'autorisation de défricher de nouvelles parties de la forêt (24 octobre 1551 et 7 février 1556). Le détenteur du Morillon, bénéficiaire de cette autorisation était un gentilhomme verrier apparenté à Nicolas de Hennezel de Vioménil. Son nom était Nicolas Garnier, ce Garnier avait pris pied dans le domaine par sa femme, Moigeon de Massey.

D'autres familles verrières du pays de Vosge, notamment des du Houx et des Finance, vécurent ensuite ici. Elles s'y multiplièrent jusqu'à la révolution. Le capitaine de Massey connaît à merveille leur histoire. Lorsque nous viendrons ensemble visiter plus à fond le Morillon,il se chargera d'évoquer leurs existences. Nous arrêtons l'auto au bord de l'étang. Cette belle nappe d'eau ravive dans ma mémoire bien des souvenirs. Elle tient à peu près la place d'un vieil étang, crée par Nicolas de Vioménil, au milieu du XVI° siècle - l'âge d'or des verreries sur une pièce de terre appelée le Pas de cheval, d'une surface de trois cent cinquante cinq toises (28 décembre 1554).

Ce nom de lieu-dit, singulier et inexplicable, m'a toujours intrigué. Il a subi d'étranges transformations, en outre durant trois siècles, l'étang de Pas de Chevaux ou Pachevaux joua aux yeux de ses possesseurs un rôle spécial, à cause de sa situation géographique, ses rives nord et ouest délimitaient la foret lorraine à lest et au midi, ses eaux clapotaient sur la terre bourguignonne pour ainsi dire en France. Plus d'une fois pour échapper à des coutumes gênantes, nos pères, gens avisés et habiles, demandèrent à leurs notaires de passer certains actes « sur l'étang de Paschevaux ». Ils parvenaient ainsi à tourner des lois ou des coutumes contraires à leurs intérêts.

De l'extrémité de l'étang où nous sommes, on aperçoit les pignons et les toits de six ou sept maisons éparpillées dans la verdure, ce hameau doit être encore assez habité. Nous serons bientôt convaincus du contraire, le Morillon agonise comme tant d'autres anciennes verreries. Il est de plus en plus déserté. Ces toits et ces murs n'abritent presque personne. Leurs cours et leurs jardins sont en friches.

Nos ancêtres verriers et campagnards, étaient patients et positifs, tant qu'ils restèrent constitués en groupes familiaux et en maisons alliées, ils accrurent laborieusement leurs biens, ils pouvaient les dominer. Assurés de les transmettre, ils y revenaient toujours, malgré les invasions et les revers. En émiettant les individus, la révolution a sapé le bien de famille, la désertion de ces hameaux remonte aux idéologies des « droits de l'homme et du citoyen ». La paysannerie étant la seule source de vie inépuisable lorsqu'elle disparaît, la terre s'affranchit, les villages meurent.

Au Morillon, jadis si vivant, trois ou quatre foyers peut-être, se maintiennent encore. En approchant du hameau, on constate que les maisons s'effondrent, la végétation cache les ruines. La désertion semble plus récente que certaines autres. Au début du siècle, une quarantaine d'habitants devaient vivre ici, y en a-t-il quinze aujourd'hui ....

Au bas de l'étang, le chemin devient rue centrale, de chaque coté, se ramifient des ruelles herbues, bordées d'orties conduisant à des logis désertés. Voici à gauche, une ferme abandonnée, elle devait être importante. En face et à droite, une assez grande maison comportant un étage. Sa façade donne au nord. Le rez-de-chaussée est un peu surélevé. On y accède par quelques marches qu'étouffent les hautes herbes. A coté, une entrée de cave. La construction est certainement ancienne, ces solides blocs de grès soigneusement taillés, encadrant les ouvertures, ces épaisses planches de chêne, posées en diagonales contrariées que maintiennent des clous de fer forgé et de grosses ferrures et qui constituent les portes, tout cela est, pour le moins, centenaire. Des volets, en partie disparus. Il reste quelques gonds.

Le bâtisseur de cette maison était de la génération des constructions robustes. Le temps ronge celle-ci, l'abandon la rend lépreuse et lézardée. Seule la fenêtre du rez-de-chaussée, égayée par un rideau de fausses dentelles et une méchante caisse de fleurs, trahit une présence féminine, cette vieille maison est encore habitée. Une jeune personne se montre, elle nous regarde étonnée. Un gamin débraillé, pieds nus, se met à nous suivre timidement. Je n'ai pas le temps d'entamer une conversation, nous reviendrons ici.

Derrière ce logis, vers le sud, au fond d'une minuscule impasse, une autre maison bien plus petite, elle est aussi plus vieille, elle a été ruinée pendant les guerres, ses restes, sa porte d'entrée et son unique fenêtre sont les vestiges d'une demeure de gentilhomme. La partie gauche de la façade depuis le pignon jusqu'à la porte, date du début du XVII° siècle. Cette porte est encadrée de pilastres à socles et chapiteaux rappelant ceux de la Bataille. Ces montants supportent un large et haut fronton, imposant bloc de grès sculpté d'un dessin sobre, de goût renaissance. Deux écus, très en relief, se détachent dans un cadre d'épaisses moulures, ils ressemblent à des boucliers, les armes ont été hachurées finement, on n'y découvre aucune trace de meubles. Le même souci d'anéantir le passé a fait effacer au milieu du fronton, la date qui révélerait l'âge de la maison. Malgré la chaux dont on les a barbouillés, pilastres et fronton se détachent parfaitement sur l'endroit craquelé de la façade. Nous ne saurons jamais le nom du noble ménage qui implanta son foyer au fond de cette impasse.

On atteint la porte par une dizaine de marches, inégales et usées, branlantes et disjointes, la végétation les soulève. A gauche de ce perron rustique, la descente de cave, le haut de sa porte voûtée en plein cintre émerge des orties. Tout à coté, adossés au muret enfouis dans l'herbe, le timon cassé d'un chariot, de vieilles roues, des manches d'outils, épaves d'un temps laborieux. A droite du perron, un bout de chaîne rongée et rouillée, les restes d'un coffre de bois, des débris de vaisselles. Cette maison est bien abandonnée. Ce coté de la façade est lézardée du haut en bas. La maison a reçu jadis une blessure mortelle, elle a été coupée en deux. A l'aide de matériaux réutilisés, on a reconstruit, tant bien que mal, la partie effondrée en la regreffant contre la porte d'entrée. Ce mur regreffé, on n'a même pas pris la peine de prolonger le bandeau de pierre, signe de demeure noble. Il reste pourtant visible sur la partie ancienne de la façade, il court de la porte au bout du pignon, en passant sous la fenêtre. Au-dessus de cette fenêtre, une petite ouverture carrée, béante remplie par une caisse trouée, pigeonnier de fortune....

Le toit très plat, affleure le linteau de cette couverture. Lui aussi fut refait, la maison avant été décapitée. Le pignon gauche, seule partie de la bâtisse ancienne restée debout, présente d'énormes blocs de grès appareillés, la maison primitive était certainement importante et solide, ces robustes assises le prouvent.

Nous montons l'escalier branlant. La porte est des plus rustiques, de larges et épaisses planches de chêne solidement ajustées sans souci d'esthétique, et qui n'ont jamais connu ni rabot, ni peinture. Les intempéries les rongent. Sans peine, je pousse cette vieille porte, elle ouvre sur une cuisine éclairée par l'unique fenêtre. Les châssis sont garnis de petits carreaux verts que voilent des années de poussières et des réseaux de toiles d'araignées. A l'extérieur, en guise de volets, la fenêtre est défendue par une rangée de solides barreaux. Dans la pièce, une grande cheminée, sans caractère et depuis longtemps inutilisée, des vestiges de placards, des débris de meubles, des bouts de bois tout blancs de moisissures, des restes de fagots, des tessons de bouteilles, quelques loques, la saleté et le désordre rêvés pour un royaume de souris et de rats.

On ne saura jamais le nom des humains qui franchissaient cette porte armoriée. Il subsiste cependant une marque de l'attachement et des soins que prenaient de leur bien les habitants de ce coin solitaire, les petits murs en défendent l'accès. Ces murs sont amusants, de belles et larges dalles de grès mouluré les surmontent, supportant de distance en distance des stèles de pierres trouées, destinées à recevoir les traverses d'une barrière de bois. Depuis que l'agonie du Morillon est commencée, ce mur n'entoure plus que des broussailles, des ronces, une végétation sauvage.

Revenus dans la rue centrale, nous arrivons à son intersection avec un chemin secondaire, c'est le milieu du hameau. Là émerge d'un fouillis de verdure inextricable, le pignon d'un petit bâtiment rectangulaire, rez-de-chaussée au toit plat, sans cheminée. Ce pignon regarde l'ouest. Il est percé d'une porte entre deux étroites fenêtres garnies de barreaux. Sur les cotés, des ouvertures semblables. Les murs sont décrépis et lézardés. S'agit-il encore d'une maison abandonnée..... La porte est entrouverte, elle me donne envie de voir l'intérieur. Mais pour l'atteindre il faut se défendre contre les ronces et les orties géantes, linceul prochain de cette modeste construction. Impossible d'ouvrir cette porte, elle est bloquée par les gravats.... A travers les fenêtres, on voit l'intérieur dans un jour semi sépulcral.

C'est une chapelle. Des objets de culte, brisés et disparates, statues, vases couverts de plâtras, quelques cadres contenant des images boursouflées, tachées d'humidité, pendent encore aux murailles. Des guirlandes de lierre échevelées, des lianes tombent du plafond effondré. Entrée par la toiture, cette végétation rejoindra bientôt celle qui pousse démesurée, sur les décombres, entre les bancs verdis par les pluies. Cet édicule à l'abandon est probablement l'un des derniers spécimens des chapelles de secours existant autrefois dans les verreries les plus peuplées de la forêt. Les documents anciens, dénombrements, ventes, partages, en parlent. La chapelle du Morillon pouvait contenir une cinquantaine de fidèles, son abandon doit dater de la disparition des derniers représentants des familles de gentilshommes qui en prenaient soin. Aucun desservant n'est plus ici du jour où le hameau a été déserté. Le curé d'Ambievillers le saurait, quelque vieil habitant le dirait aussi.

Une chapelle abandonnée qui s'écroule, si humble soit-elle, est un témoignage de vie spirituelle et d'idéal qui disparaît, c'est le retour à l'état primitif des humains qui s'assemblaient sous un toit....

On dirait cependant qu'il y a encore dans ce hameau une maison de maître ..

Je l'aperçois plus haut derrière la chapelle, entre cour et jardin. Elle n a pas l'allure des demeures rurales que nous voyons dans le pays. C'est un type de petite maison de campagne. Cette maison fait face à l'ouest. Elle semble en bon état. Le bandeau de grès qui l'enserre indique un logis de gentilhomme. Le perron, la porte d'entrée, le fronton qui la surmonte trahissent l'époque de sa naissance, le temps de louis XV. Le cartouche destiné à recevoir un blason ou une date est vierge. Je ne vois pas de pierre de fondation.

Notre curiosité attire un paysan. Je l'interroge, il est le gardien de la demeure vide de ses maîtres. Elle appartenait jadis à la famille de Massey. Son propriétaire actuel s'appelle Odinot. Il n'habite jamais là, il veille cependant à maintenir en bon état cette maison qu'il tient de famille. Je dis au bonhomme l'objet de notre promenade, il me propose de visiter l'intérieur du logis.

Les pièces, quatre au rez-de-chaussée, quatre à l'étage sont démeublées. Elles n'offrent pas d'intérêt. Cette demeure fut construite sans la moindre recherche. Ça et la de rares débris de meubles, de vieilles planches, un peu de paille, des tiges de haricots séchées. Inhabitée depuis longtemps,la maison doit servir au gardien pour serrer ses récoltes.

Sur un rayon du placard entrouvert, sur une cheminée, par terre dans un coin j'aperçois de vieilles bouteilles, couvertes de poussière. Leur forme m'intrigue, trapues, avec une large base et un col très mince, terminé par un goulot curieusement noué, elles rappellent des champenoises, mais leur allure est plus rustique, leur verre grossier plein de défauts fort épais est d'un noir bleuté, avec des reflets verdâtres. Nul doute qu'il ne s'agisse d'anciens spécimens de bouteilles fabriquées au Morillon. Elles ont du moins l'âge de la maison, peut-être sont-elles plus vieilles encore.

Le gardien me confirme « ce sont des bouteilles que ces messieurs (la vieille appellation des gentilshommes verriers dans le pays) soufflaient ici dans le temps. il y a quelques années, on en avait encore beaucoup, mais on a emporté les plus belles. Celles-la sont des rebuts ».

En voyant la curiosité avec laquelle j'examine ces vieux produits de la verrerie du Morillon, le brave homme me propose d'en emporter quelques-unes. J'en choisis trois des plus amusantes.

Malheureusement, le temps nous manque pour continuer la conversation. En descendant le perron je devine plus au nord derrière les arbres, une autre propriété. Elle domine la pente d'une prairie qui dévale vers l'étang. Son allure est moins bourgeoise mais elle est plus importante. C'est une haute maison de maître comportant rez-de-chaussée, étage et grenier. La façade orientée aussi à l'ouest est complètement effondrée, les trois quarts de la toiture aussi. L'intérieur est un chaos de ruines, il est difficile et probablement dangereux d'y pénétrer, d'énormes poutres des poutrelles, des solives restent suspendues entre les étages, d'autres jonchent le sol, enchevêtrées dans les broussailles, orties, arbustes qui croissent sur les monceaux de plâtres et de tuiles brisées. Un gros mur est encore debout fort épais, il divise la maison en deux parties égales dans le sens de la largeur, du rez-de-chaussée au faite. La construction avait été prévue pour former deux logements distincts, pour les familles de deux frères peut-être.

La bâtisse était solide, soignée, presque luxueuse, poutres moulurées, cheminées à hotte dont les montants et les bandeaux - gros blocs de pierre blanche - sont galbés, ornés de moulures, sculptés de fleurs et de motifs louis XV. Voici des vestiges de boiseries, des portes et des fenêtres d'une belle hauteur encadrées de grès parfaitement taillé. Il reste quelques châssis à petits carreaux, ils ont été protégés par la grille de fer forgé qui remplit l'ouverture dans sa hauteur. Les barreaux sont maintenus entre eux par une autre barre horizontale qu'ils traversent. Ces grilles, sévères d'aspect, assuraient la sécurité dans les pièces du rez-de-chaussée, des intrusions étant toujours à craindre dans ces hameaux frontière perdus en foret.

Le pignon sud de la maison est resté debout à la hauteur du grenier. Voici à l'extérieur, le bandeau de pierre, insigne des demeures nobles, il passe à mi hauteur d'une porte fenêtre de l'étage. Là s'accrochait jadis un balcon exposé au soleil du midi. Ce logis double est flanqué au nord d'un beau bâtiment d'exploitation dont la toiture est restée en état. Lui aussi appartenait à deux propriétaires. Il est percé de deux portes charretières voûtées en plein cintre, chacune surmontée d'une fenêtre éclairant les greniers.

La grange contiguë à la maison du maître est abandonnée. D'énormes morceaux de grès, remarquablement ajustés, formaient les montants et la voûte. Ils défiaient les intempéries. La porte est béante, mais un rideau de broussailles en interdit l'entrée. On voit dans l'ombre les panneaux fracassés de la porte. La grange voisine est encore utilisée, sa façade a été récemment blanchie à la chaux, la voûte est close par une porte. Contre le pignon en retour d'équerre une petite maison de fermier. Elle est percée d'une porte et de deux fenêtres aux encadrements rehausses de chaux. Un petit grenier, éclairé par des ouvertures en attique, les surmonte. Ce modeste logement doit être habité.

De l'autre coté de la cour et en face, un four à pain, des bâtiments en dépendance, en grande partie effondrés. Enfin, devant les ruines de la maison de maître, subsiste un puits magnifique d'aspect ancien. Sa margelle est grande et elle a été taillée dans un seul morceau de grès arrondi et très épais. Une partie de cette margelle a été prévue, élargie en forme de console prise dans la masse, pour poser les seaux. Deux autres blocs de pierre, taillés en pyramides et encastrés dans le rebord de la margelle, supportent la pièce de chêne sur laquelle s'enroule la chaîne de fer permettant de tirer l'eau. A coté du puits dans l'herbe, gît un bac en grès d'une seule pièce. Les anciens concevaient tout solidement. Ils songeaient aux générations qui les continueraient...

A en juger par les multiples enroulements de la chaîne, la nappe d'eau doit être à une grande profondeur. Un vieux du pays rencontré en redescendant la prairie, nous dit : « le puits a trente mètres, il est toujours utilisé, son eau est excellente ».

Je demande à cet homme à qui appartient ces bâtiments. Il me regarde d'un oeil méfiant et répond « la partie en ruines est à un M. Gabriel Toussaint de Passavant, la grange et l'écurie voisines ainsi que la petite ferme, sont aux héritiers Conraud d'Hennezel ... Je ne puis tirer rien d'autre du bonhomme - Conraud, n'est-ce pas le nom de jeune fille d'une dame d'Hennezel... la femme du Francogney qui, le dernier, habita le Tolloy et mourut ruiné... .

Nous partons vers une autre ancienne verrerie voisine, celle de Bisseval.

 

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