TREIZIÈME DEGRÉ

JEAN FRANÇOIS DE HENNEZEL, PUIS D'HENNEZEL, ÉCUYER

PUIS CHEVALIER, SEIGNEUR DU MESNIL OU DU MAINY


D'après le dossier de ses services au ministère de la guerre, ce gentilhomme serait né a la Grande Catherine (le 17 avril 1737) et aurait été baptisé en l'église de Martinvelle. La destruction des registres paroissiaux par l'incendie de 1754 n'a pas permis de retrouver son acte de baptême qui donnerait le nom de ses parents.

A l'âge de vingt deux ans, le 2 janvier 1759, il épousa dans la même église Jeanne Françoise de Bonnay âgée de dix sept ans, née vers 1732, fille de Nicolas de Bonnay ou de Bonnet, écuyer, sieur de Beaussicaud et de Jeanne de Thiétry de Saint-Vaubert.

Le nom de Beaussicaud, alias Bossicamp, aujourd'hui orthographié officiellement Bossicau, est celui d'une maison et d'un bois à cheval sur les communes de Bligny et de Meurville canton de Vandoeuvre (aube). Non loin de Meurville, se trouve un lieu dit « la verrerie ». On en trouve l'origine dans « la recherche de la noblesse » faite en 1582 par Didier Richier, héraut d'armes de Lorraine. Son manuscrit a été déposé à la bibliothèque de Strasbourg. Il mentionne plusieurs gentilshommes du nom de Bonnet, exerçant leur art aux environs de Bar-sur Aube, au début du seizième siècle. L'un deux, nommé Thomas, vivait sur la paroisse de Meurville. En 1553, il fit condamner les habitants de ce village qui contestaient sa noblesse, il prouva qu'il était fils d'Anthoine de Bonnet écuyer et verrier, demeurant à la Ville-au-Bois et au val Suzenay et petit-fils d'Alexandre de Bonnet, écuyer et verrier, marié à Jeanne de Permier. C'est ce Thomas, dit le manuscrit, qui créa vers 1529, une verrerie dans la forêt de Bossican. Il se fit bâtir un logis dans ce lieu et il en prit le nom. Revenus en Lorraine et fixés a la Grande Catherine, les descendants de ces bonnet se qualifièrent sieurs de Bossican ou sieurs de Meurville, pour se distinguer des autres branches de la famille. Leurs enfants et petits-enfants se transmirent ces surnoms quelque fois même sous leur nom patronymique jusqu'au XIX° siècle. La fiancée de Jean François du Mesnil était donc de la branche de Bossican. Son acte de mariage se trouve aux archives des Vosges. Très succinct, il ne donne pas les noms des parents des époux. Le marié signé « de Hennezel » (2 janvier 1759).

Le jeune ménage se fixe à la Grande Catherine à cause des droits que Mme du Mesnil a apporté en dot sur le domaine, à son mari. En conséquence, François du Mesnil est, en 1769, au nombre des copropriétaires du lieu qui bénéficient d'une augmentation de la surface de terrain concédée à la suite du ré arpentage ordonné par le roi Stanislas. L'acte le qualifie écuyer du Mesnil (8 mars 1768).

Aussitôt après son mariage et pendant trente trois ans M du Mainy (il écrit ainsi son second nom comme il le prononce) vécut à la Grande Catherine de la vie modeste et laborieuse des gentilshommes verriers, existence mi-industrielle, mi-paysanne, toute occupée à l'exploitation du lieu familial. Pour subvenir aux besoins de nombreux enfants, le domaine familial de la Grande Catherine a été agrandi au printemps de 1722. Depuis cette époque, la verrerie travaille assez activement. elle occupe cinq familles de gentilshommes qui fabriquent du verre en table « vitres » ( 21 janvier 1737).

Au moment de la révolution, M. du Mesnil avait eu onze enfants. Lorsque le mouvement de l'émigration prend de l'ampleur et entraine vers l'armée des princes, les plus fidèles serviteurs de la monarchie, Léopold de Hennezel, fils aîné de M. du Mesnil n'a que dix neuf ans. Il quitte le pays natal pour répondre à l'appel du prince de Condé (1 janvier 1792). Malgré son âge (il a cinquante cinq ans), le père décide bientôt de rejoindre son fils. Il abandonne son foyer pour s'enrôler dans l'armée des défenseurs du trône, qui, pour lui, personnifie la patrie. Il y arrive le 10 février 1792. On l'incorpore comme chasseur noble à pied, dans la dixième compagnie qui groupe de nombreux gentilshommes verriers du pays de Vosge et d'Argonne.

Depuis cette date, jusqu'en 1801, M. du Mesnil fait toutes les campagnes du corps de Condé. Il prend part à toutes les affaires. Il suit l'armée en Russie en 1797. Sur un état de l'infanterie noble du corps de Condé, établi à la date ou 1er février 1799 « M. Dumesnil père et Dumesnil fils) figurent tous deux dans la compagnie numéro 10 que commande le comte de Bardonnenche. Parmi leurs camarades figurent leurs cousins Alexandre d'Hennezel, de Beaupré, de Massey, de Finance, de Bonnay etc ..

Au printemps de 1801, lors de la dissolution de l armée royale, « M. J.F d'Hennezel du Mainy, officier d'infanterie « reçoit du prince de Condé, résidant à Feistritz, un passeport l'autorisant à circuler librement à travers l'Allemagne, pour se rendre à Gratz où réside le ministre anglais, William Wickam, commissaire général de sa majesté britannique près des armées alliées (20 mai 1801). Quelques semaines plus tard, ce haut fonctionnaire délivre au « sieur François du Mainy » un élogieux certificat attestant les services du gentilhomme, fixant sa pension militaire et pouvant lui servir de passeport. Ce document comporte un signalement du bénéficiaire permettant d'imaginer la physionomie du vieux soldat, taille, cinq pieds deux pouces et demi, des cheveux brins encadrant une figure ronde, un front large, des yeux bleus, peu de sourcils, un nez aquilin, une bouche quelconque, un menton très court et relevé, sur la joue droite, un signe particulier, cicatrice ou grain de beauté.

Le ministre atteste que M. du Mainy a servi avec distinction, zèle et bravoure, en qualité de noble à pied, l'espace de neuf ans dans le corps de Condé et que, depuis le licenciement de cette troupe, il jouit d'une pension journalière de dix huit pences, argent d'Angleterre, évalué à douze kreutzer et demi, argent d'empire, pension qui lui est accordée en consideration de ses services. (Gratz le 31 juillet 1801). A partir du 1er mai 1803, cette pension fut portée à un shilling six pences par jour.

Durant les dix années de son exil, le foyer du vieux gentilhomme de la Grande Catherine, avait été anéanti. Mme du Mainy était morte, âgée de soixante ans, cinq mois après le depart de son mari (29 juin 1792). Elle laissait deux filles sans fortune, les biens de leur père ayant été confisqués par la nation. Mesdemoiselles du Mainy s'étaient déclassées, l'ainée, séduite par un inconnu, avait donné le jour à un fils naturel, un an après l'émigration de son père (27 janvier 1793). La cadette devint la femme d'un ouvrier, établi dans un hameau voisin (9 avril 1796).

Privé de foyer et d'affection, sans autres ressources que sa pension le pauvre gentilhomme renonce à rentrer en Lorraine. Il décide de rester à Vaterachern en Souabe, principauté du duc Ferdinand d'Autriche. Il a trouvé dans cette ville une âme compatissante, pour veiller sur ses vieux jours. Au début de décembre 1805, il écrit à son ancien chef de corps,le prince de Condé, résidant à Wanstead House, pour être autorisé à se remarier.

- « Mes infirmités le demandent, écrit-il le 3 décembre, tous les jours je deviens plus infirme. Il me faut quelqu'un pour me soigner. La pension que sa majesté britannique a bien voulu m'accorder sur votre demande, monseigneur, ne me suffit pas pour rendre une domestique. la personne que je choisis pour épouse porte de quoi pour sa nourriture et entretien (sic). J'ai donc l'honneur de supplier S.A.S. monseigneur le prince de Condé d'accorder la grace de se remarier a un ancien noble de France qui a servi l'armée depuis la création des chasseurs nobles et n'a quitté son corps qu'au licenciement general ».

Il signe « J.F. d'Hennezel du Maini » d'une écriture toute tremblée au bas de cette supplique où il n'a pas eu la force d'écrire entièrement lui-même (3 décembre 1805).

Un mois plus tard, le prince de Condé répondait, « je ne puis, monsieur, que vous faire mon compliment pour le mariage que vous vous proposez de contracter et dont vous me faites part. Je desire que vous y trouviez tous les avantages et les agréments que vous vous en promettez. Soyez assuré, monsieur, de ma parfaite estime pour vous, (décembre 1805).

Cette seconde femme se nommait Madeleine Isabelle Stevenot. Son nom nous est révélé par le dossier de demande de pension qu'elle fit à l automne de 1814 après le décès de M. du Mainy. elle devait être d'une famille française aussi émigrée.

Au début de l'été de cette année 1814, le vieil émigré, il avait soixante dix sept ans, résidait à Achern, dans le duché de Bade. Comme tous les anciens condéens qui s'étaient sacrifiés au service de la monarchie, il tenta de profiter du retour de Louis XVIII pour obtenir un secours.

« J'ai perdu mon patrimoine, écrit-il. Je n'ai plus de pension d'aucune puissance depuis la suppression récente de la pension de deux shillings et demi par jour que m'accordait sa majesté britannique et qui était mon unique ressource pour moi, ma femme, et mon fils âgé de huit ans ».

Il joint à sa requête l'état de ses services depuis le premier jour de son émigration. Il signe, « J.F. d'Hennezel du Mainy » (25 juin 1814).

Le gentilhomme mourut avant d'avoir obtenu satisfaction. Il s'éteignit à Achern (le 19 octobre 1814). Après son décès, sa veuve et son fils quittèrent l'Allemagne. Il se fixèrent en Lorraine à Rohrbach-les-Bitche (Moselle). Mme du Mainy se vit attribuer par la commission du ministère de la guerre, une pension de veuve de capitaine, le calcul des services de son mari avait été de vingt huit ans et neuf mois dont neuf ans neuf mois, de grade de capitaine du 19 janvier 1801 au 19 octobre 1814 .

Nous ignorons la date du décès de Mme du Mainy. Elle vivait encore en 1830 et n'avait pour soutien, que son fils âgé de vingt deux ans. Le jeune homme s'était engagé dans un régiment de chasseurs à Strasbourg. Trois ans auparavant (18 mars 1827) les enfants survivants du premier lit de M. du Mainy avaient obtenu de la commission réglementant les indemnités dues aux émigres, un modeste capital de 1.819 francs pour compenser les biens que la nation avait volé à leur père. De ses deux mariages, le gentilhomme avait eu dix enfants.

Du premier lit,

1 - Louis François de Hennezel du Mesnil, écuyer.

Né à la Grande Catherine le 24 janvier 1761 et baptiseé le même jour à Martinvelle. Parrain, son oncle paternel Louis François de Hennezel du Mesnil, marraine dame rose de Bonnay, veuve de Charles de Finance. Il dut mourir jeune.

2 - François Leopoldt de Hennezel du Mesnil, écuyer.

Mort à la Grande Catherine à l'âge de six mois, inhumé dans le cimetière de Martinvelle le 26 septembre 1762 en présence de sa mère et de son aïeule.

3 - Jean-François de Hennezel du Mesnil, écuyer

Baptisé en l'église de Claudon le 18 juillet 1767. Parrain, Casteil de Massey à Henricel, écuyer, son oncle maternel. Marraine, Marie, Josèphe de Hennezel. Il mourut à la Grande Catherine à l'âge trois ans (11 juillet 1770) et fut inhumé dans le cimetière de Claudon.

4 - Léopold de Hennezel puis d'Hennezel du Mesnil qui suit.

5 - Catherine Charlotte de Hennezel du Mesnil.

Née à la Grande Catherine le 9 décembre 1759 et baptisée le même jour à Martinvelle. Parrain, Jean-François de Bonnay et Charlotte Françoise de Bonnay de Bossicand, son oncle et sa tante maternels. Elle mourut le 26 décembre et fut inhumée le lendemain dans le cimetière de Martinvelle en présence de son père qui signe « J.F. de Hennezel ».

6 - Marguerite de Hennezel du Mesnil.

Née à la Grande Catherine le 24 mars 1763 et baptisée le lendemain à Martinvelle. Parrain, Charles de Bonnay, écuyer. Marraine, demoiselle Marguerite de Bonnay ou sieur Casteil de Massev dHenricel. elle mourut âgée de deux ans le 13 avril 1765.

7 - Jeanne Françoise de Hennezel du Mesnil puis d'Hennezel.

Née a la Grande Catherine et baptisée à Claudon le 10 juin 1765. Parrain, Philippe Emmanuel de Hennezel, écuyer. Marraine, demoiselle Antoinette de Bonnay de Beaussicand, sa tant maternelle. Après l'émigration de leur père et de leur frère au début de 1792, et à la fin de juin, la mort de leur mère, Jeanne et sa sœur cadette restèrent à la Grande Catherine, seules et sans ressources, la nation avait confisqués les biens des deux émigrés. Séduite par un inconnu, Jeanne mit au monde à la fin de janvier 1793, un fils naturel qui devait être l'auteur d'une branche illégitime . L'enfant reçut le prénom de Charles et fut déclaré à l'état civil, par les citoyens Charles Finance âgé de cinquante six ans (ce devait être Charles II de Finance, fils de Charles-Hyacinthe et de Rose-Françoise du Bonnay de Beaussicaud) et François Valentin âgé de vingt neuf ans, laboureur (ce second témoin avait épousé quelques temps auparavant Suzanne, Marie, Marguerite, baronne de la Marre, veuve en premières noces de Nicolas, Joseph de Bonnay de Meurville et fille de Léon, baron de la Marre, capitaine et prévôt d'arches).

Dans le dessein de ne pas laisser trace de la faute de Jeanne, Françoise, l'acte de naissance de son fils l'appelle Élisabeth, prenom de sa sœur cadette, morte depuis vingt trois ans. Malgré cette supercherie, nous le verrons plus loin en rapportant la descendance de ce fils, il y a identité de personne (voir chapitre 42) Jeanne de Hennezel se consacra à son enfant. Elle habitait avec lui à Nogent-le-Roi, lorsqu'il se maria' vingt ans plus tard (1813). Elle demeurait encore dans cette ville en 1827 quand elle recueillit avec son frère et sa sœur Lamarche, la part d'indemnité que leur accordait la loi de 1825 comme héritiers d'un père émigré, dépossédé de ses biens par la révolution (12 mars 1827 ).

Elle suivit son fils lorsqu'il s'établit à Vitry-le-François. Six ans plus tard mourait à Vitry-le-François en la maison de son fils, Jeanne Françoise Dhenzelle âgée de soixante seize ans ans. Son décès fut déclaré par le sieur Charles Dhenzelle, coutelier à Vitrv, âgé de quarante quatre ans et Isidore Durand, aussi coutelier, âgé de trente quatre ans (17 mai 1837).

8 - Élisabeth de Hennezel.

Née à la Grande Catherine et baptisée à Claudon le 2 novembre 1769. Parrain, Charles, Hyacinthe de Finance, son oncle maternel. Marraine, dame Jeanne Élisabeth de Bigot, épouse du sieur Jean-François de Beaussicaud, écuyer, son oncle maternel. elle mourut le 21 juin 1770.

9 - Rose Françoise de Hennezel puis d'Hennezel du Mesnil.

Née a la Grande Catherine et baptisée à Claudon (le 24 juillet 1171). Parrain, Jean François de Massey à Henricel, son oncle maternel. Marraine, Anne Catherine de Finance.

A l'âge de vingt quatre ans, elle épouse Simon Lamarche, âgé de vingt cinq ans, fils de Léger Lamarche et d'Élisabeth Richard. Le marié est chaudronnier, au hameau voisin de Brisecuelle. En 1811, le ménage habite la Grande Catherine. Rose, assistée de son mari et de sa sœur Jeanne, vendent à leur cousin Célestin d'Hennezel, maire de Claudon, les droits de verrerie qu'elle possédait encore à la Grande Catherine. Les époux signent, « S. Lamarche et Rose d'Hennezelle » ( 20 janvier 1811). En 1827, avec son frère et sa sœur, elle se vit attribuer un tiers de l'indemnité des émigrés, héritée de son père (mais elle était morte quelques jours auparavant le 4 mars 1821).

Du second lit,

10 - Jean-Nicolas d'Hennezel du Mainy.

L'existence de ce dernier fils nous a été révélée par un certificat militaire le concernant qui dort dans les archives de la ville de Strasbourg (fonds militaire, 5ème division d'infanterie, place de Strasbourg). Le document porte la date du 12 mars 1830. A cette époque, « d'Hennezel Dumainy Jean Nicolas » est âgé de vingt deux ans (né en 1808, probablement à Achern, deux ans après le mariage de sa mère). Au début de l'été précédent, désireux de suivre la carrière des armes, le jeune homme se fait engagé au 2ème régiment d'infanterie légère (6 juillet 1829) mais, né d'un père trop âgé, l'enfant est resté faible de constitution après ses deux premiers mois de service, le jeune soldat a besoin de se reposer. Il obtient une longue permission (5 septembre 1829). Au printemps suivant, sentant qu'il ne pourra pas supporter les fatigues du métier, Jean-Nicolas se voit contraint de quitter l'armée. Il propose de se faire remplacer et présente une jeune recrue de santé plus solide, le nommé Klentschi Louis. lL conseil d'administration du 2ème léger ordonne une enquête qui conclut au bien fondé de la demande du jeune homme.

« le nommé d Hennezel Dumaini est utile à sa mere, âgée et infirme. Ce militaire est très petit et chétif. Si le remplacement qu'il propose a lieu, le corps y gagnera, parce que le nommé Klentschi est un homme fort et robuste.

Le maréchal de camp, comte Dumoulin, commandant la division, autorise Jean Nicolas à rentrer dans ses foyers (13 mars 1830).

Nous ignorons la destinée du dernier fils de M. du Mesnil et celle de sa mère.

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