46 - Bourbonne les Bains

En descendant la cote d'Offremont la petite ville émerge de la verdure. Elle est dominée par un haut clocher à flèche de pierre. L'église parait romane, mais, très restaurée. La grande rue - l'unique rue à l'aspect un peu citadin - traverse la ville d'est en ouest. Ses maisons basses à deux étages, ses petits cafés, ses boutiques, ses trottoirs nets et propres, lui donnent un air avenant. Nous arrêtons l'auto sur la large place surplombant l'église. C'est le coin pittoresque, le Bourdonne historique.

A l'entrée d'un parc en miniature, planté de vieux arbres et parfaitement tenu, on découvre les vestiges d'un château du moyen age, restauré avec goût, un porche à double portes voûtées, des fenêtres à meneaux, et sur le coté, une tour que les habitants qualifient, donjon. Pour moi, le mot donjon évoque la tour, de Coucy, victime de la fureur teutonne. Le donjon de Bourdonne rappelle plutôt ceux que mon fantasque compatriote, Arsene Houssaye, faisait construire aux environs de Laon.

Le porche donne sur une pelouse fleurie, étalée devant l'hôtel de ville, maison sans prétention dont l'architecture n'a rien de municipal, le bâtiment a des proportions harmonieuses. Ses hautes fenêtres à impostes, ses assises de pierre, ses balustres entourant le toit, ses lucarnes, lui donnent l'aspect d'un petit château Louis XVI.

Plus loin, quelques colonnes en ruines, des chapiteaux et des pierres sculptées attestent que les eaux de Bourdonne étaient appréciées des romains.

D'un coin de parc on découvre, en contrebas, une partie des faubourgs campagnards qui ceinturent la cité thermale, des maisons écrasées, un toit plat noyé dans la verdure. Elles abritent la population rurale et ouvrière, cette dernière composée surtout de dentellières.

Au sud de la ville, sous la grande rue, commence le quartier balnéaire, les hôtels, l'établissement thermal, la buvette sorte de kiosque de pierre soutenu par des colonnes d'une architecture sobre comme les maisons voisines, l'hôtel de ville et la grande poste. Les bâtiments municipaux de Bourdonne furent l'oeuvre d'une édilité au goût sur et calme.

Seul dans la rue des Bains, se dresse au-dessus de ce quartier paisible une haute maison de style moderne, le grand hôtel, sept étages d'une construction banale à la toiture prétentieuse. Bourbonne n'est pas une station thermale élégante, personne n'y vient pour se distraire. Ses eaux sont sérieuses, elles n'attirent que de vrais malades.

Grosse bourgade, propre et sans luxe, imprégnée de charme provincial , Bourbonne les Bains est riche de la réputation de ses sources millénaires, leurs eaux chaudes sont parait-il, souveraines pour traiter les maladies nerveuses, les paralysies, les blessures d'armes à feu. Aussi, existe-t-il ici, depuis prés de deux siècles, un hôpital militaire.

En souvenir de cette rapide visite, j'emporte une jolie collection de cartes, oeuvres de Braun, le célèbre éditeur mulhousien. Une autre série de vues plus pittoresques, « le vieux Bourbonne au temps de Louis Philippe » la compléteront. Elles reproduisent d'amusants dessins lithographiés, permettant d'évoquer la station thermale fréquentée par nos pères. C'était un grand village. Quelques civils rhumatisants, mais surtout des militaires éclopés des guerres napoléoniennes, emmitoufles de manteaux et de cache-nez, errant et boitillant dans les rues appuyés sur deux cannes.

Parmi les promeneurs, quelques dames, en châles, la tête ensevelie sous d'énormes chapeaux et portant des réticules. La silhouette de ces élégantes du temps de Louis Philippe évoque des ombres connues, une grand-tante de mon ami Massey habitait Bourbonne à cette époque la. Elle était née au Morillon dans la jolie maison ou j'ai découvert des bouteilles anciennes. Elle portait un nom magnifique, Céleste de Massey épousa en 1840, dans la chapelle que nous avons vue en ruines un notaire de Bourbonne, maître Odinot.

Mme de Massey, née Secretain, mère de cette jeune femme, quitta le Morillon peu après le mariage de sa fille et se retira à Bourbonne. Elle s'y éteignit fort âgée (1873). Après avoir eu le chagrin de voir mourir ici l'unique petit fils de son nom, jeune homme de 22 ans (1861). C'est avec le souvenir de ces trois générations de Massey que nous laissons Bourbonne.

Par la route de Luxeuil, quelques instants plus tard, nous sommes en vue de Villars-Saint-Marcellin. Il y a trente ans au moins que j'ai vu ce nom dans nos papiers, pour la première fois....

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