47 - Villars-Saint-Marcellin

 

SOMMAIRE

Son site et son aspect - Assassinat de Jacques de Saint Cricq - les Bonnay de Renty, Sgr de Voillerand et de Villars - Testament de Anne de Coiffy, dame de Montraugeon, puis de Bonnay - Le crime d'Antoine de Renty - Vieille maison à tourelle - L'église, son cimetière émouvant, le mystère de sa crypte - Manoir en ruines et parc à l'abandon, voisins d'un château plus moderne et habité - Chatillon sur Saône, ancienne ville forte du XVI° siècle, dévastée au XVI° siècle - Son aspect pittoresque, ses défenses, ses vieux logis.

Le village... une unique rue en arc de cercle, au sud de la route, vers la Saône, une rue bien campagnarde, large et bordée de solides maisons aux façades claires, d'aspect cossu. Sous le soleil, un chaud relent de bouse parfume l'atmosphère. Cette richesse, ces tas, aux cotés et aux angles nets, sont plus réguliers que dans la Vôge. Autour, pas de cloaque,peu de désordre. Est-ce le voisinage de Bourbonne, si proprette, ou la proximité de la comte...

Autre site, climat moins rude, autres coutumes, gens moins rustiques.

Les paysans sont à l'aise, ils tirent leur richesse des prairies de la vallée de l'Apance et des pentes douces qui les bordent. Les terres doivent entre meilleures que celles des ascensements ravis par nos ancêtres à la forêt de Darney. On s'explique que les plus avisés de ces gentilshommes aient voulu posséder comme à Ormoy, un sol plus fécond que celui de leurs verrières.

La paroisse de Villars dépendait de la baronnie de Jonvelle. Elle était divisée en plusieurs fiefs. Certains de ses seigneurs ont marqué dans l'histoire du pays. D'autres furent de nos familles ou leurs alliés. De multiples fantômes vont paraître au cours de ma visite. Bâti un peu en amphithéâtre, le village est dominé par une belle église dont le patron a ajouté son nom à celui de la commune. Elle ressemble à un petit castel, au-dessus des maisons. Comment ne pas évoquer, tout de suite, les souvenirs d'un de ces seigneurs les plus notables de la paroisse. Il fut notre arrière grand-oncle.

Ce gentilhomme se nommait Jacques de Saint Cricq. Il appartenait à une famille de la chevalerie lorraine et vivait au temps de François 1er. Sa femme, Jacquette de Raincourt, était la belle-soeur de Nicolas de Hennezel du Grandmont, premier seigneur de Vioménil et fondateur de la verrière du Tolloy.

Saint Cricq était renommé par son courage militaire. Sa vaillance est restée légendaire. Il avait, conte un chroniqueur, un cheval , si ardent au combat, qu'il attaquait des pieds et de la bouche les ennemis de son maître, comme s'il eut compris d'instinct son ardeur guerrière. Cet intrépide chevalier, que la mort avait épargné sur les champs de bataille, périt assassiné dans le calme de la retraite. La vue du clocher de Villars me rappelle le drame.

Un jour que Saint Cricq se promenait paisiblement à l'ombre de ses bosquets, il fut blessé mortellement de deux coups d'arquebuse, partis du clocher. Les assassins auraient été des co-seigneurs de Villars et de Bourbonne, jaloux de lui. Bien que frappé a mort, le gentilhomme se relève, il fonce sur ses meurtriers. L'un d'eux s'effondre sous ses coups. Mais Saint Cricq retombe épuisé, il meurt inondé de sang. Son corps reposerait, dit-on dans l'église.

Deux siècles plus tard, Villars était le théâtre d'un autre crime. Cette fois, le coupable était un des fils du seigneur, Antoine de Bonnet de Renty. L'assassin fut condamné à avoir la tête tranchée. Ces Bonnet, ou Bonnay, habitaient déjà la paroisse au début du XVII° siècle. Ils y possédaient le fief de Voillerand qui leur valait une part notable dans la seigneurie de Villars, l'autre appartenait au roi...

Comment ces Bonnay étaient-ils venus de Lorraine faire souche à Villars...je l'ignore. Était-ce par héritage des Thiétry de Coiffy... mon dossier contient la copie du testament d'Anne de Coiffy, femme du noble et honoré Jacques de Bonnay écuyer, Sgr de Villars-Saint-Marcellin et de la forte maison de Brainville. Elle avait épousé en premières noces un sire de Montsaugeon.

A son mari, elle lègue l'usufruit de tous ses biens, meubles et immeubles, château, maisons, jardins, terres, vignes, four, moulin, bois, étangs, rivière, droits seigneuriaux.

La testataire précise qu'après la mort de son époux, ses biens retourneront à leurs enfants, deux filles mariées à des gentilshommes verriers, Claude du Houx et Adam de Mathieu et à sa petite-fille, Alix de Bonnet, fille d'honoré Alexandre de Bonnet, son fils défunt.

Enfin, Pierrette de Montsaugeon, issue d un fils de son premier mariage, devra participer pour un quart dans l'héritage de tous les biens de la défunte, tant à Villars qu'a Brainville (23 mars 1618). Huit ans plus tard, lorsque ce testament fut publiée, Alix était devenue la femme de Jean de Donneval et ce gentilhomme s'intitulait co-seigneur de Villars-Saint-Marçellin.

Le testament d'Anne de Coiffy voisine dans mes dossiers avec celui de notre aïeul, Clément d'Avrecourt, dicte quarante ans plus tard.

Gravement malade à la verrerie de Namur, au point de croire sa mort fatale, Clément voulait rappeler à son fils aîné Jean, tout jeune encore, sa province d'origine. Il se dit natif de Villars-Saint-Marcellin, en le comté de Bourgogne et possesseur dans cette paroisse d'une part de la seigneurie, par héritage de sa mère Magdeleine de Donneval.

Il lègue à ce fils son fief en précisant qu'il est actuellement tenu par son cousin, Joachim de Bonnet (28 novembre 1636).

Antoine de Bonnet de Renty, l'auteur du meurtre, était-il petit-fils de Joachim... c'est probable. Lisons le récit du drame, tel que le rapporte la sentence conservée dans un registre des archives à Vesoul.

Estimant avoir été insulté par un habitant de Villars, nommé Didier Chevillet Antoine de Bonnay résolut de se venger. Un matin de novembre 1718, vers neuf heures, le jeune gentilhomme, armé de son fusil, rencontre sur le grand chemin de Villars à Voisey, le paysan qui va travailler au bois. Antoine le reconnaît. Il l'arrête et lui donne, avec son arme, deux ou trois coups de bourrade sur l'épaule, en criant, ah c'est toi qui ma insulté, bougre de gueux, il faut que je te tue.

Chevillet cherche à se défendre, il menace de sa hache son adversaire. Hors de lui, Antoine de Renty recule de quelques pas, et malgré les protestations des témoins qui crient grâce, il décharge son arme sur le paysan. Grièvement blessé a l'estomac, Chevillet mourut le lendemain (23 novembre 1718).

Le meurtrier s'enfuit, mais la justice poursuivit l'affaire, six mois plus tard, Renty était condamné par contumace à avoir la tête tranchée sur un échafaud dressé en plein milieu de la place publique de Vesoul. Le jugement spécifiait, la sentence sera exécutée en effigie, au moyen d'un tableau attaché à la potence de la ville (10 mai 1719) ce qui fut fait un peu plus tard (Avril 1720).

Cette aventure tragique ne semble pas avoir empêché les Bonnay à habiter Villars. Au milieu du siècle, résidaient au château, un Bonnay, ancien commandant de bataillon au régiment de Montmorin, et un autre, capitaine au régiment de Royal-Pologne. .

Plus près de nous, sous le second empire, la famille était représentée par une madame de Bonnay de Renty, née Catherine du Houx de la Rochère et mesdemoiselles de Piepape, ses petites filles.

Y a t il encore un château à Villars...

Nous arrêtons l'auto au milieu du village, à hauteur d'une importante maison. A l'un de ses angles sur la rue se dresse une grosse tourelle, coiffée d'un toit écrasé. Ce devait être une résidence noble.

L'Église s'élève à flanc de coteau. Le clocher est roman mais est surmonté d'un clocheton ridicule, il est si mince qu'il rappelle une canule...

Le cimetière entoure l'église.

Du coté de l'église, la différence de niveau du sol a été utilisée pour la construction d'une chapelle souterraine sous l'abside. C'est une sorte de crypte. Une dizaine d'étroites fenêtres l'éclairent. Cette partie de l'église doit être la plus curieuse. Je voudrais la visiter...

Un vieux paysan à qui je m' adresse me dit,

- « La chapelle est encore assez grande, huit mètres de long et trois mètres de haut, il y a un vieil autel en pierres et beaucoup de colonnes ainsi que deux tombeaux. Dans le temps, on y venait en pèlerinage ».

Comme je voudrais y entrer, le bonhomme m'explique que l'église est un monument historique et que c'est l'administration préfectorale qui l'entretient, la chapelle doit rester fermée.

Vieux manoir désert et abandonné mais pas en ruines... reste de la maison Saint Cricq... nous ne trouvons personne pour nous renseigner. A la sortie du village, nous voyons un autre manoir assez important, qui semble habité.

Le temps nous presse, nous reviendrons plus tard.

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