48 - CHATILLON SUR SAÔNE

Châtillon sur Saône se dresse sur un promontoire escarpé qui s'avance vers l'est, au fond d'une boucle formée par le confluent de l'Apance et de la Saône. Cette position rappelle celle de Monthureux. Elle fut utilisée de tout temps, comme point stratégique. Au moyen age, il y eut dans ce lieu, frontière de trois provinces rivales et souvent ennemies, une ville forte ceinturée de hautes murailles et hérissée de tours. Le roi de France, les ducs de Lorraine et de Bourgogne se la disputèrent âprement.
La lutte entre Louis XI et Charles le Téméraire fut une époque désastreuse de l'histoire de la ville. Elle se releva courageusement à cet age d'or que fut le milieu du XVI° siècle.

Cent ans plus tard, Châtillon est incendié et démantelé par les armées françaises, et suédoises. Les habitants subissent un tel martyre qu'ils désertent leur cité. Elle devient un monceau de ruines recouvertes de végétation. La mort de la ville date de cette époque. La population y revint lentement et ne fut jamais assez riche pour reconstruire des maisons neuves. La plupart des habitants se sont contentés de rafistoler leurs maisons au petit bonheur. Ils ont aménagé les ruines du XVI° siècle. Ils y vivent encore. Une promenade dans les rues de ce bourg agricole est une vision du temps de la renaissance. A chaque pas, des vestiges de cette époque tentent le crayon de l'artiste ou l'objectif de l'amateur.

Les défenses naturelles de l'ancienne place forte, ajoutent au pittoresque de la situation. Au nord, la Saône baigne le pied d'anciens remparts et de bastions démantelés. Au sud, l' Apance, enchâssée dans l'émeraude de grosses prairies, serpente entre deux pentes boisées, celle qui était le bourg est criblée d'arbres fruitiers. A hauteur de l'église, cette rive se transforme en rocher que surmontent les murailles et les tours d'un ancien château fort. Du haut des vieilles terrasses croulent dans le vide des nappes de lierre qui égaient l'or et la pourpre des giroflées. Les lances aiguës de brassées d'iris se hérissent au bord des éboulis, comme pour en défendre l'accès. Toutes ces vegetations montent à l'assaut des pierres séculaires dorées par les lichens. Ces plantes sauvages sont heureuses , elles vivent et meurent, là où elles sont nées. Que d'humains peuvent envier leur sort...

,Sur l'autre rive, s'incline jusqu'aux boucles de la petite rivière, le flanc d'un grand bois qui se donne, presque jusqu'à Jonvelle, l'allure d'une forêt.

En errant au coeur de Châtillon, jusqu'aux abords de l'église, on va de surprise en surprise, façades de maisons gothiques aux fenêtres à meneaux à demi aveuglées, mais intactes, petites ouvertures jumelles sous un épais linteau de granit à double accolade, portes à fronton sculpté de nervures ogivales que parent des fleurs de lys ou des écussons, logis à tourelles rappelant les maisons fortes de nos ancêtres. Ici, une façade gothique bien conservée s'allie avec une maison de pur style renaissance, ses ouvertures sont encadrées de fines moulures et d'harmonieux entablements.

Nombre de maisons ont conservé leurs fenêtres à petits carreaux.

L'architecture de ces vieux logis était soignée, elle a été voulue par les bourgeois et les commerçants d'une ville. Châtillon était jadis le chef-lieu d'une prévôté. Il y avait un hôpital, plusieurs foires chaque année. De nos jours, Châtillon n'est plus qu'un chef-lieu de canton, un grand village agricole peuplé de familles paysannes vivant modestement de leurs herbages et de leurs jardins. Les abords des maisons sont des plus rustiques, des outils, des ferrailles, des bouts de bois informes les encombrent. Ici, une vieille marmite, là, des pots ébréchés servent d'abreuvoir aux volailles.

Sous la fenêtre d'un logis, de grosses pierres, tombées des ruines, sont alignées pour maintenir la terre d'un jardinet d'où s'élance un cep de vigne sauvage qui grimpe à son gré contre la maison. Son panache fantaisiste ombre le linteau d'une porte. Là, c'est le tronc d'un gros poirier à demi mort, jadis il était en espalier, aujourd'hui, ses bras noueux, refuge de moineaux, masquent la fenêtre à meneaux d'un étage. Des granges ont été bâties à l'emplacement de maisons disparues. Leurs portes charretières alternent avec des escaliers voûtés de descentes de caves et des bancs de pierre moussue, confort des paysans après leur labeur.

Nous ne rencontrons que des bêtes, point de gens, le village est endormi et désert. En plein milieu du jour, tout le monde est aux champs, dans les vignes ou lés prés. Ça et là une poule picore en flânant dans les décombres envahis d'orties. Assis sur l'appui d'une fenêtre, un chat, les yeux clos, somnole sous le soleil, sa silhouette se découpe sur l'ombre très noire d'un intérieur. Je puis, tout à mon aise, prendre quelques clichés. Des cartes postales, oeuvre d'un photographe sans goût, les compléteront.

L'église est moderne et sans intérêt. Cependant, sous les dalles, m'a-t-on dit, reposaient les corps de plusieurs Charmoilles, famille alliée aux nôtres. Comment se fait-il que ce bourg pittoresque où abondent d'émouvantes ruines ne soit pas un lieu d'élection pour les artistes.

Nous remontons en voiture pour gagner Bleurville.

Autres chapitres

         

Page d'accueil