26 - Troisième voyage en Lorraine

et séjour à Nancy du 10 au 30 octobre 1928

 

SOMMAIRE

 

Sur la route de Nancy – L’Epine

Cantonnement à l’automne d’une année noire de la guerre - Le curé et son église - Epitaphe du premier marquis de Nazelle.

 

 Auve

La S.S. russe à l’H.O.E. en 1918 - Son campement – L’offensive allemande du 14 juillet, enrayée par Gouraud - Grippe espagnole - Prémices de l’armistice - Le lieutenant Tretaigne operé par le Dr. Bachy - Physique et mentalité de ce chirurgien - Le médecin chef Raulot-Lapointe - Popote de toubibs - Propos anarchiques le soir du 10 novembre - Les utopies de Wilson - Visite en Laonnois liberé.

 

Note de 1945 : Bachy candidat S.F.I.O

 

A Auve ­ Après 10 ans, aucune trace du passé - La butte de Valmy

 

Villers - Daucourt­

 

L’ H.O.E. où était la S.S. russe en octobre 1917 - Ce qu’était cette section - Le colonel de Wieniaski - Mon ordonnance breton - Déception l’offensive française sur l’ailette.­

 

D’accord avec nos amis nancéiens nous passons avec eux la deuxième quinzaine d’octobre. Les Edmond des Robert m’ont offert l’hospitalité. Les René de Loriere hébergeront Renée. Pour rendre à ma fille cette randonnée plus attrayante et plus variée, j ai décidé de ne pas rechercher uniquement, au cours de ce voyage, les traces des ancêtres. J’évoquerai quelques souvenirs personnels et nous visiterons de jolis sites de Lorraine et d Alsace.

 

16 octobre 1928

 

Cette première journée sera un pèlerinage aux lieux où j'ai vécu et souffert entre 1914 et 1918. Partis de grand matin de Bourguignon en automobile, nous gagnerons Nancy en faisant un crochet par Verdun.

 

L’Epine

 

Après chalons, la première étape est l’Epine, village célèbre par un pèlerinage à la Sainte Vierge. Une admirable basilique, vraie dentelle de pierres, le domine.

 

Pendant deux mois, à l’automne de 1917, j'ai cantonné au pied de ces flèches ajourées, coiffées de couronnes. J’avais été envoyé ici comme officier adjoint au commandant d’un groupe de camions automobiles.

C’était à l’une des époques les plus démoralisantes de la campagne. Mon père s’était éteint à Paris quelques jours auparavant, après avoir appris la ruine de nos foyers en Laonnois envahi. Je venais de vivre plusieurs mois de surmenage physique et intellectuel, comme élève officier aux écoles de Chaintrix et de Meaux. L’armée française restait sous la douloureuse impression causée par la défection russe. La France ayant mis tant d’espoir dans la force massive de cette alliée, maintenant Kerenski faisait le lit de la révolution bolchevique. L’Italie, notre autre alliée subissait les plus cuisants revers. Enfin depuis le début de l’été, notre armée elle-même, travaillée par la campagne pacifiste de Caillaux et de Malvy complices du traite Bolo, traversait une vague de défaitisme. En champagne, nous avions assisté à des mutineries de troupes.

 

Les semaines que je passai à l’ombre du sanctuaire de l’Epine furent un apaisement. Que de fois, aux heures noires, je suis venu contempler les beautés de cette basilique. Que de fois, j’ai trouvé du réconfort au pied de la petite statue miraculeuse de notre-dame, exposée sous le jubé. Le curé, un saint homme,  avait des idées excellentes. J’aimais lui rendre visite. Il ébauchait devant moi l’histoire de sa paroisse, les flèches de son église et leurs couronnes fleur­de-lisées, don royal de louis XI. La route passait entre la basilique et le presbytère, immuable depuis des siècles. Jadis voie romaine, puis route royale, elle fut l’ultime trajet suivi par louis XVI se refusant à sanctionner les décrets de la constituante qui heurtaient sa conscience. Dans l’après-midi du 21 juin 1791, ces tours ont vu passer la lourde berline chargée de la famille royale en fuite. Après Varenne, elles ont entendu les hurlements de la populace qui escortait la voiture ramenant les fugitifs à paris.

 

Le bon prêtre m’avait fait les honneurs du portail surchargé de riches sculptures, mais privé malheureusement de la plupart de ses statues. Seule subsiste, au milieu de la porte centrale, une douce image de la vierge Marie. Plus haut, au sommet de l’arc ogival, un christ majestueux domine l'immense plaine, il ouvre des bras accueillants aux pèlerins venant de Chalons. A l’intérieur du monument, le curé m avait vanté l'envolée et la luminosité de la nef, la délicatesse des sculptures du jubé et de la clôture du choeur. Il m’avait conduit au puits où les fidèles s’abreuvent d’une eau miraculeuse.

 

Quelle surprise de découvrir, contre le mur sud, près du petit portail, une pierre gravée au nom d’un personnage familier, l’épitaphe du premier marquis du Cauze de Nazelle, ancêtre direct de mes bons voisins de Guignicourt, marié dans cette église, au milieu du XVIII° siècle avec une demoiselle de l’Epine, ce gentilhomme avait été gouverneur de Chalons. Il mourut au début de la révolution.

Malgré les combats qui se sont livrés sur cette partie du front de champagne jusqu’à la fin de la guerre, je retrouve aujourd’hui indemne cette belle église.

 

Une vingtaine de kilomètres, en ligne droite et nous traversons Auve.

 

Auve

 

Ce petit village, en partie démoli, (en 1919 l’église était en ruines, on disait la messe dans un hangar, et le curé gîtait dans un  galetas), est aussi pour moi rempli de pénibles souvenirs. Pendant les derniers mois de la guerre, il fut le poste de service de la S.S. russe 2 que je commandais (30 juin au 27 novembre 1918).

A cette section (20 voitures Ford, affectées au transport des blessés et un camion atelier) comptait une cinquantaine d’hommes. Hautes sur roues, ces autos ressemblaient à des araignées. Elles passaient partout, dans les plus mauvais chemins comme à travers champs, on pouvait les réparer facilement à l’endroit même où elles subissaient une avarie.

 

A la fin de mai 1918, les allemands avaient enfoncé le front français dans la vallée de l’Aisne, ils avaient déferlé au-delà de Château-Thierry et en Valois atteint la forêt de Villers-Coteret. En juin, ils avaient tenté de nous chasser de Reims. La S.S. R2 arrivait de ce secteur de la 5ème armée. Pendant cinq semaines elle avait été en service au 1er corps colonial qui défendait la ville des sacres (8 au 30 juin 1918).

 

N’ayant pu atteindre son but, l’ennemi préparait maintenant une ultime offensive sur le front de Champagne. Le général Gouraud, commandant la 5ème armée prévoyait une formidable poussée allemande sur Chalons. Il avait renforcé la défense du secteur. On y rencontrait des troupes de toutes les nationalités, anglais, américains, italiens, polonais, russes, annamites, nègres. Nous avions été appelés à Auve, à proximité d’un H.O.E. qu’on se hâtait de mettre en  état.

 

Nous campions en plein champ, sous la tente à quelques cent mètres à droite de la route. Un mois après notre arrivée, je parvins à loger mes hommes, en leur faisant eux mêmes construire une baraque avec les débris d’un camp d’aviation, abandonné dans le voisinage. Nos voitures eurent d’abord la douloureuse mission d’arracher de leurs foyers menacés, les derniers habitants, cramponnés dans les villages au nord de la route. On transportait de force ces évacués aux gares de Chalons et de Vitry-le-Francois.

 

Dans la nuit du 14 au 15 juillet, à vingt quatre heures juste, éclate sur les lignes françaises, au nord de Chalons, un effroyable bombardement. Toutes les positions, toutes les voies de communication, tous les cantonnements étaient arrosés. Les blessés affluaient. Je vois encore, sortant d’une de mes voitures, le vieux curé de la Croix en Champagne, son église venait de s'effondrer pendant des heures et des heures, Chalons recevait toutes les cinq minutes, d’énormes obus et torpilles. Les derniers habitants terrorisés s’enfuyaient sur les routes.

 

Avec un admirable sang froid, Gouraud parvint à enrayer rapidement la poussée ennemie. L’offensive continua cependant. Au début d’août elle était agrémentée de gaz asphyxiants, on dut élever ici à la hâte, une tente bessonneau pour abriter les gazes. Après les victoires des armées françaises et anglaises, commandées par Foch sur le front Picaro, les allemands avaient été contraints de se replier sur la ligne Hindenburg. Au nord de Chalons, l'offensive s’éteignit. Depuis quelques semaines, les américains apparaissaient plus nombreux. Ils s’apprêtaient à prendre un secteur de combat dans la Woëvre et à Saint-Mihiel. Au début de septembre, nos troupes ayant refoulé l’ennemi jusqu’à l’ailette, cette partie du front devint tout à fait calme. D’ailleurs on sentait imminente la débâcle finale. L’Autriche demandait une paix séparée. Clemenceau ne voulait rien entendre puis ce fut le tour de la Bulgarie de mettre les pouces.

 

Malheureusement un autre fléau commençait ses ravages, la grippe espagnole  l'H.O.E. D'Auve regorgeait de malades. Le cimetière était comble. On enterrait les morts, entourés simplement dans des toiles de tente. Le secrétaire de mon bureau, un russe bien élevé et cultivé que j’avais distingué parmi les conducteurs fut au nombre des victimes. Je payai aussi mon tribut à l’épidémie.

 

Au début d’octobre, au moment où l’Autriche, la Turquie puis l’Allemagne s’adressaient à Wilson, pour obtenir un armistice, je passai trois semaines couché dans ma baraque (8 au 26 octobre 1918). C’était l’époque où survenait pour moi la plus grande émotion de la campagne. Bourguignon et Laon étaient reconquis (13 octobre 1918). J'aurais voulu courir là-bas, revoir nos foyers délivrés après quatre ans d’invasion. Il fallut quatre semaines pour me guérir entièrement.

 

Pendant ce temps, la section, guidée par mes sous-officiers, suivait les troupes qui harcelaient l’ennemi en déroute. Le 4 novembre, les allemands lâchaient l’Argonne. Le lendemain j’étais à Vouziers, monceau de ruines fumantes. L’avant-veille (2 novembre) l’une de nos voitures avait amené le fils d'un de mes voisins de Festieux, Jean de Trétaigne, lieutenant d'infanterie, grièvement blessé à Terron-sur-Aisne, il avait une cuisse fracassée. Je pus heureusement avertir aussitôt ses parents et les amener de Chalons dans mon auto quelques jours plus tard. Le blessé fut opéré par le chirurgien chef de l'autochir russe 2, épave de l’armée de nos alliés en déconfiture.

 

Ce chirurgien nommé Bachy, était originaire de Saint-Quentin. Il ne devait pas avoir la quarantaine. Grand et mince, il avait les traits fins qu’amenuisait encore une moustache blonde à la gauloise. Sous un lorgnon, il fermait à demi ses yeux pour voir mieux. Intelligent, habile, dévoué, il adorait son métier. Il se dépensait jour et nuit pour opérer, avec une ardeur passionnée. Au moral, le docteur Bachy était sceptique, incroyant et d'une tournure d’esprit voltairienne, il cultivait l’utopie. Par principe, il critiquait tout ce qui était militaire et proclamait qu’une fois l’Allemagne devenue républicaine, elle serait pacifiste.

 

Le médecin-chef de l’ambulance, dans le civil radiologue à paris, se nommait Raulot-Lapointe. Lors de mon arrivée à Auve, me voyant seul officier de mon espèce à proximité de l’H.O.E. il m’avait invité à faire partie de sa popote ; une quinzaine de médecins de toutes les régions de France. Je prenais ordinairement mes repas seul ou avec mes sous-officiers. Je fus reconnaissant au docteur Raulot de son offre, mais la compagnie des toubibs ne m’était pas agréable. Que de propos inimaginables tenaient la plupart de ces camarades de rencontre. Ils  avaient conservé une mentalité de carabins. Certains, négligeant ma présence, parlaient de leur clientèle civile avec un cynisme stupéfiant. Ils m’apprirent ce qu’était la dichotomie. Beaucoup se jalousaient. Enfin immoralité et grossièreté, étaient de règle dans leurs conversations, réaction excusable chez des hommes surmenés, vivant nuit et jour les mains dans le sang et le pus des plaies à taillader la chair humaine, coupant bras et jambes, fouillant les ventres, sciant les crânes, labourant les visages avec une activité fébrile.

 

Tant d’horreurs devaient provoquer ces excès et une révolte de leur être au point de vue religieux et politique, que de paroles inconsidérées il me fallait écouter. Elles m’inspiraient tout à la fois de la honte et de la pitié.

On sentait monter l’influence du bolchevisme et sa fureur destructive (*1).

 

Une certaine soirée me fut particulièrement pénible (*2). Je ne l’ai jamais oubliée. Le dîner du 10 novembre 1918, lorsque vers huit heures du soir, se répandit, comme une traînée de poudre, la nouvelle de la signature de l’armistice, l’explosion de joie, causée par la fin d’un cauchemar de quatre années, fut accompagnée d’un débordement d’inepties, à propos de l’ère de liberté qui allait commencer pour tous les peuples du monde, par la chute des monarchies.

Le tzar Nicolas avait été détrôné, l’empereur d’Autriche était mort, Guillaume II venait d'abdiquer, Alphonse XIII, d'une attitude pourtant si généreuse envers la France durant la guerre, était menacé. Le pape lui-même était traité de boche...

 

On but le champagne à la mort de tous les tyrans de la terre.

 

"Quand il n y aura plus de rois, il n y aura plus de guerres" criaient ces braves types, tous les peuples pourront fraterniser. Et après avoir hurlé la marseillaise et l’internationale, ces excités applaudirent l’un de leurs camarades, dans le civil paisible médecin de province, qui levait son verre en hurlant : « vive le socialisme universel qui nous donnera la paix pour toujours ».

 

Cependant, depuis quelques semaines, tout esprit pondéré se rendait compte  du but de l’ennemi. Il demandait un armistice afin d’arrêter la débâcle inouïe dont nous étions témoins, il espérait de cette façon, empêcher nos troupes de combattre en terre allemande. Wilson avait fait inconsciemment le jeu de l’envahisseur, en acceptant de discuter avec lui avant qu’il ait été complètement chassé de France. Rêveur et utopiste, le président des États-Unis était persuadé qu’en obligeant l’Allemagne à se mettre en république, il détruirait le militarisme prussien. C’était ces principes sur le pacifisme des démocraties et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, propagés par la presse d’extrême gauche, qui faisaient dérailler mes camarades. Le docteur Bachy se montrait un des plus ardents de la bande.

 

Rentré dans ma baraque après cette soirée de folies, j’en tirai les plus amères conclusions, les plus sombres pronostics. Ainsi les terribles leçons de cette guerre, les souffrances endurées depuis quatre ans, ne serviraient probablement à rien tellement on avait aveuglé les cerveaux de ces médecins qui représentaient cependant une élite intellectuelle.... que serait la mentalité du peuple (*3)

 

Depuis le matin j’avais en poche l’autorisation d'aller en Laonnois libéré me rendre compte de l’état de nos foyers dévastés. Malgré les douloureuses surprises que me réservait ce pèlerinage je partis, le lendemain, au petit jour, heureux de fuir, pendant quelque temps, les propos anarchiques, c’était le mot, de mes compagnons de popote. De retour à Auve, la mort dans l'âme, après avoir constaté l’anéantissement de nos logis et de tout ce qu’ils contenaient, je ne me sentais plus le courage de vivre dans l’atmosphère de débordements qui régnait chez ces médecins. J’appris avec satisfaction que la S.S.R.2 venait de recevoir un autre poste. Elle était affectée à la place de Sedan. Je quittai sans regret ce coin de champagne le 27 novembre.

 

Quelques jours avant mon départ, le docteur Raulot-Lapointe, qui s'était toujours montré bienveillant pour moi et d'opinions plus modérées, m'offrit un souvenir inattendu, une icône russe représentant la Sainte Vierge.

Voulait-il par ce geste, me témoigner sa sympathie pour des sentiments que je ne cachais pas. Je l’ai toujours pensé.

 

Note de 1945 – (septembre)

 

Les journaux de l’Aisne viennent de donner la liste des futurs candidats aux prochaines élections. A Saint-Quentin, disaient-ils, on parle toujours de la candidature socialiste du docteur Bachy. S’il s’agit, comme cela est probable, de l’ancien chirurgien chef de l’autochir russe à Auve, cette nouvelle prouve que les errements politiques de ce médecin sont restés les mêmes, bien que les événements aient menti, de façon péremptoire ses pronostics de 1918, sur une paix éternelle.

 

Tels sont les souvenirs que ravive la vue du paysage où j’ai vécu cinq mois. Sur cette terre aride et sans attrait que ponctue ça et là quelques chétifs boqueteaux de pins et d’arbres déjà dénudés, un calme impressionnant a fait place à la vie fiévreuse de l'été 1916. Aucune trace de la sinistre cité, entassement de baraques et de tentes de tous calibres, desservis par des chemins empierrés. Un silence de mort a succédé aux gémissements des blessés, aux plaintes des opérés, aux râles des agonisants, aux ronflements des moteurs d’autos qui les amenaient ici par milliers. Sur ce sol où la charrue a passé, il ne faut faire aucun effort pour imaginer le monde des chirurgiens et de leurs aides aux tabliers sanglants, les blanches infirmières affairées d'une salle à l’autre.

Où donc se trouvait la baraque des entrées où nos voitures déposaient leurs douloureux brancards. La baraque chapelle, voisine du dépôt des morts, où j'entendais la messe. La baraque de la popote dont la promiscuité m’était désagréable. Plus de trace du cantonnement de ma section et du gîte que je m’y étais aménagé à une extrémité du baraquement construit par mes hommes.

 

S’il ne subsistait, au bord de la route où nous sommes arrêtes qu’une petite hutte de cantonnier, jadis assez proche de notre campement, je serais incapable d’en repérer l’emplacement. Effaçons cette vision rapide sur un sombre passé pour continuer notre route - toujours celle du dernier voyage du roi martyr - gagnons Sainte-Menehould.

 

A gauche, la hauteur de Valmy  la silhouette de Kellermann, dressée au sommet d’une étroite stèle de granit, se détache sur l’horizon. Elle commémore la fameuse victoire de Dumouriez arrêtant les prussiens en marche sur Paris.

 

Plus loin, à droite, avant d'arriver à Ste-Menehould, la route qui conduit à Villers en Argonne, pendant la guerre, était née en pleine campagne, entre ce village et celui de Daucourt, une autre cite de la souffrance. On l’appelait  l’H.O.E. de Villers-Daucourt. C’est au service de cet hôpital, centre d’évacuation des blessés de l’Argonne, qu’au milieu d’octobre 1917, se trouvait affectée la S.S. Russe 2, lorsqu’on m’en donna le commandement.

 

Cette section était aussi une épave des ambulances russes, dispersées au moment de la désagrégation des armées du tzar. Composée en majeure partie de russes blancs, restés fidèles à la France, cette troupe était assez difficile à tenir. Au point de vue administratif elle dépendait d’un rastaquouère du genre cabotin, appelé Wieniaski, ce personnage circulait en uniforme de colonel  russe, une énorme croix, de je ne sais pas quel ordre, suspendue au cou. Au point de vue militaire, cette section était rattachée à la D.S.A. (Direction du Service Automobile) de l'armée Gouraud. Un lieutenant français, M. de Silans, auquel je devais succéder, la commandait.

 

En quittant l'Epine, à la fin d’octobre, j’avais emmené comme ordonnance et chauffeur, un petit gars breton de la classe 17, nommé Gaston le Veux, il resta à mon service fidèlement jusqu’à la fin de la campagne (22-10-1917 à 26-3-1919). Nous campions dans un petit bois dominant l'H.O.E. Ce cantonnement fut de courte durée, dix jours plus tard, la S.S. Russe 2 était affectée à une formation sanitaire autrement plus importante, l'H.O.E. du mont Frenet créé en plein camp de Chalons, non loin de Suippes (Toussaint 1917). Durant ce bref séjour à Villers Daucourt, j'eus un jour l'émotion de croire que Bourguignon était délivré. Sur le front de l’ailette, nos troupes avaient tenté une poussée vers Laon.

 

Hélas, cette offensive échoua (27-10-1917).

 

 

Notes de Ppdh :

 

1* - La domination actuelle du capitalisme triomphant est d’une telle fureur destructive que c’est l’humanité entière qui est condamnée à disparaître, à brève échéance.

 

2* - Apparemment, monsieur le comte ne s’est pas vraiment réjoui de la signature de l’armistice. Pas une seule pensée émue pour des millions de soldats qui se sont entretués pour le simple plaisir des grands dirigeants de ce monde.

 

3* -  Précisons la pensée du Dr Bachy : ce ne sont pas les peuples qui prennent la décision de faire la guerre, ce sont les classes dominantes (la noblesse en fait partie, et oui !) en accord avec leurs gouvernements pour servir leurs propres intérêts. Si justement les peuples pouvaient disposer un peu plus d’eux-mêmes, on ne voit pas comment ils pourraient, de leurs propres volontés, prendre plaisir à se massacrer mutuellement. Ou alors il faudrait qu’ils soient vraiment fous, ce que je ne pense pas.

 

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