6 - SECONDE VISITE A LA PILLE en 1911 - 1 - 3 - 4

 

 

Après le décès de leur père, en Février 1902, le commandant d'Hennezel et son frère l'industriel de Godoncourt, conservèrent la Pille en indivision pendant huit ans. Lorsqu'à  l'automne de 1910, mourut à son tour M. d'Hennezel de Godoncourt, ses filles, Mme Varlot et Mme Magagnosc, ainsi que leur oncle d'Hennezel assez âgé, décidèrent de sortir de l'indivision, les deux enfants du commandant d'Hennezel, fixés loin de la  propriété,  ils regrettaient de la voir sortir de la famille qui la possédait depuis des siècles.

 

Au début de l'année suivante m'arrivait à Bourguignon, de la Vicomtesse d'Hennezel de Francogney, née Jeanne Verpillot, une lettre conçue en ces termes :

 

Mon cher Cousin,

 

Par suite du décès de mon oncle de Godoncourt, la Pille qui était indivise entre lui et son beau-frère, va être prochainement mise en vente. Seriez-vous amateur de cette propriété ou connaîtriez-vous une autre branche de la famille qui aurait envie de l'acquérir... Si vous désirez quelques renseignements, mon mari qui est chargé des intérêts de mon beau-frère pourrait vous les donner...

 

Au reçu de cette lettre, ma première pensée fut d'aller revoir la Pille, avant de prendre une décision. mais j'étais à Bourguignon aux prises avec une forte grippe,  impossible de songer a faire une fugue rapide en Lorraine, d'autant plus que l'hiver était rigoureux. Cependant la pensée que ce vénérable domaine, fondé par des Hennezel, allait passer dans une autre famille,  et aussi le désir de reprendre pied après trois siècles d'éloignement dans la forêt ancestrale, me faisaient ardemment regretter ma malencontreuse indisposition. Ma femme le comprit si bien qu'elle me proposa d'aller immédiatement sur place pour voir l'état dans lequel se trouvait la propriété, avant de donner une réponse aux Francogney.

 

La saison était rude et le voyage peu aisé. Mon oncle Paul de Hennezel s'offrit pour accompagner la voyageuse. Tous deux partirent sans retard et un soir au début de février (7 février 1911)  ils débarquèrent à Darney.  Ils logèrent à l' hôtel de l'Éléphant, auberge dont le confort datait probablement d'un siècle, chambres sales et d'un primitif surprenant, nourriture immangeable etc... Le lendemain, les deux voyageurs guidés par un homme d'affaires du pays, montent dans une voiture de louage et par des chemins boueux et défoncés qui paraissaient presque impraticables à ma femme (c'est la route Belrupt - la Bataille) ils arrivent à la Pille. L'éloignement de cette propriété perdue dans une vallée étroite et sauvage, la sévérité de la forêt dénudée et les rigueurs du climat, auraient du décourager tout de suite les visiteurs. Cependant ils sont pris, comme je l'avais été dix ans auparavant, par le charme de la vieille maison. Ils l'inspectent de bas en haut, mon oncle note la disposition intérieure du logis. Un corridor central où se trouve l'escalier, douze belles pièces presque carrées, six au rez-de-chaussée, dix à l'étage, celles des angles éclairées par deux fenêtres à petits carreaux. Sous la toiture, un vaste grenier qu'éclairent douze lucarnes rondes, pratiquées dans l'épaisseur des murs, suivant le style du pays, elles pourraient presque permettre d'aménager de petites chambres dans ce grenier.

 

Mon oncle indique soigneusement dans chaque pièce les vestiges anciens et intéressants, boiseries, placards à moulures, cheminées sculptées, carrelages et planchers. Tout cela est d'ailleurs dénué de prétention et extrêmement modeste. L'orientation de cette maison carrée, sa distinction pratique, ses pièces assez vastes semblent agréables à ma femme. Mais combien aussi lui parait rustique l'intérieur du logis auquel manque le confort le plus rudimentaire et où, tout est plus ou moins délabré. A l'extérieur aussi, maison, jardins et dépendances sont dans un état d'entretien déplorable. A ma femme habituée aux intérieurs confortables et pratiques du nord de la France, tout semble à refaire dans la propriété pour la rendre, sinon luxueuse, tout au moins habitable.

 

Il faut évidemment envisager des dépenses assez considérables, pour mettre la Pille suffisamment en état, si l'on veut que nous puissions y séjourner quelques semaines pendant la belle saison. Cette perspective devait limiter le prix d'acquisition que nous donnions au notaire.

 

Le vieux domaine nous échappa et fut adjugé le 14 février suivant, à Mmes Varlot et Magagnosc. Mon oncle rapporta de cette fugue en Lorraine, un plan de la Pille, crayonné sur place. J'ai eu la surprise d'en retrouver, en 1919, dans les décombres de nos ruines du Laonnois, un fragment déchiré et souillé d'humidité....je le conserve encore.

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