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SOMMAIRE

Un joli village - Son église - Sépultures des Hennezel depuis 500 ans - La chapelle des Bomont du Tolloy - Mme de Grandmont, née Viomenil, repose devant le grand crucifix - La tombe du lieutenant de dragons d’Hennezel, sa fin tragique à Cannes en 1902, ses funérailles présidées par le général de Witte  - Seize sépultures des Hennezel du Tolloy et de Beaupré, entassées derrière le chevet  - vieille maison à tourelles - Paysage imprègné de christianisme et de tradition.

Situé sur une hauteur, Viomenil semble plus accueillant que Charmois. Les maisons sont mieux bâties, les rues plus propres, de belles routes bordées d’arbres y conduisent. La fermière du Tolloy demande à descendre à un carrefour, au milieu du village. Elle va bavarder avec des connaissances, en attendant l’heure de la messe. Laissant là l’auto, nous nous dirigeons vers l’église. Elle est encore à peu près vide, entrons-y et prions pour les nombreux morts de notre nom.

Cette église n’a guère plus d’un siècle et demi. Elle fut reconstruite quelques années avant la révolution. Peut-être subsiste-t-il des restes de l’ancienne... il serait curieux de rechercher l’emplacement de la chapelle, édifiée par Nicolas de Bomont du Tolloy qui releva la verrerie ruinée avec tant de courage, à son retour des Pays-Bas après la guerre de trente ans. Dans son testament, imprégné du plus vif esprit de foi, il demandait à être inhumé à Viomenil en la Chapelle que sa femme et lui ont fait construire à leurs frais, contre le choeur de l église. Le testateur obligeait ses successeurs à faire dire à l’intention de son ménage, chaque année, le lendemain de la Saint Nicolas, son patron, un service anniversaire. En outre, ses héritiers devaient fournir le luminaire de cette chapelle, pendant les messes du dimanche et des fêtes de toute l’année, en compensation, ajoutait-il, de la commodité qu’ils auront à perpétuité de prendre place dans cette chapelle, pour assister aux offices  (5 septembre 1675).

Dans l’ancienne église existait aussi un autel, érigé vers la même époque, en l’honneur du rosaire, dévotion chère à nos ancêtres.

Il y a deux siècles environ, sous le dallage « vis a vis du grand crucifix » fut inhumée, Marguerite du Houx, dame de Viomenil et de Magnoncourt, veuve de messire Jean de Hennezel, et, Sgr de Grandmont, notre grand oncle, en présence de ses neveux, du Houx de Fauconcourt, capitaine aux gardes de Lorraine, du Houx de Viomenil, baron de Belrupt et de Bonneville (4 avril 1134)

Il est d’ailleurs impossible de dénombrer tous les membres de nos familles qui reposent sous ce dallage. Il y a vingt sept ans, existaient à l'extérieur du monument, contre le chevet, des sépultures portant notre nom, groupées en cet endroit depuis la révolution. Il doit y avoir là, une moisson d’épitaphes à glaner. 

Nous sortons de l'église. Le cimetière qui l’entourait jadis n'est plus qu’un terrain vague. Il a été désaffecté depuis ma première visite.

Couvert de hautes orties et de ronces emmêlées,il est difficile de se frayer un passage à travers ces broussailles, pour atteindre la partie surplombant la rue. Déjà en 1901  les tombes des Hennezel du Tolloy et de la Pille se trouvant là, étaient mal entretenues. Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un chaos de monuments . Voici cependant, adossé au chevet de l’église et regardant la vallée de la Saône, vers la Pille et Hennezel, un monument qui n’existait pas lors de mon passage, il y a vingt sept ans. Celui d’un officier, Georges d’Hennezel, mort accidentellement, au début du printemps 1902, pendant l’impression de mon volume généalogique.

J’étais en relations de correspondance avec ce jeune homme et il m’avait aimablement documenté sur sa branche, issue de celle de Francogney et héritière de celle du Tolloy. Il m’avait même donné l’empreinte d’un cachet du XVIIIe siècle, aux armes des Hennezel du Tolloy, portant le croissant en chef comme brisure. Ce cachet lui venait de sa grand-mère paternelle. Cette dame était la dernière représentante de sa branche, ses fils et petits-fils avaient repris ces armes pour se distinguer des autres branches de la famille. Georges d’Hennezel les portait sur sa chevalière.

Tout à l’heure au Tolloy, j’évoquais le souvenir de cet officier, celui de son père, médecin militaire, de son frère, le colonel, en entendant Mme Munier nous annoncer le décès de M. Jules d’Hennezel, mort complètement ruiné.  Je relève son épitaphe :

Georges d’Hennezel

Lieutenant de cavalerie

17 décembre 1869 - 9 mars 1902

Priez pour lui

Les journaux de l’époque m’avaient appris la fin accidentelle de Georges d’Hennezel, bien que brillant cavalier, il avait été tué à Cannes sur l’hippodrome de la Napoule « à la première haie d’un military, la jument gloriole, montée par le lieutenant d’Hennezel du 4eme dragons à Chambéry a fait panache, elle  est tombée sur son cavalier. Ramené à l’asile évangélique de Cannes, le jeune officier a succombé sept heures après, malgré les soins qui lui ont été prodigués. Il était âgé de trente deux ans ».

Ce tragique accident trouva un écho dans toute la France et particulièrement en Lorraine, lorsqu’on ramena ici pour l’inhumer, le corps de Georges d’Hennezel. M. Paul Rodier, le maire d’Hennezel, mon hôte de l’été précédent, m’avait raconté la cérémonie. Aujourd'hui, devant cette tombe à l’abandon, son récit me revient à la mémoire

« Dimanche dernier, écrivait-il, une assistance respectueuse et recueillie, était réunie à Viomenil, pour rendre les derniers devoirs au lieutenant Georges d’Hennezel, dont on a relevé le corps sanglant et inanimé sur le champ de courses de Cannes, huit jours auparavant, le dimanche 9 mars. Son père, M. Alexandre d’Hennezel avait tenu à ramener le corps de son fils au pays natal, dans ce pays où la famille d'Hennezel a figuré, depuis plusieurs siècles, à la tête de la noblesse verrière de Lorraine.

Rien ne saurait rendre l’émotion qui s’empara de l’assistance, lorsqu’au moment ou le corps déposé au presbytère était transporté à l’église, arriva de Chambéry pour se joindre au cortège, une délégation d’une quinzaine d’officiers du 4eme dragons, ayant à sa tête le colonel de Coubertin et le général de Witte, ancien colonel de ce régiment. De magnifiques couronnes ornaient le modeste catafalque, l’une envoyée par le grand duc Michel de Russie, l’autre par la comtesse de Torby, en villégiature à Cannes.

Un prêtre d’Epinal célébra la messe et l'absoute fut donnée par le vénérable curé de Viomenil, ami dévoué de la famille d’Hennezel. Devant la tombe ouverte, le colonel de Coubertin a retracé la vie de travail du jeune officier que rien ne détournait de son devoir militaire et qui s’y adonnait avec l’intelligence la plus élevée et la ténacité d’une nature d’élite. Ses chefs voyaient en lui un officier d’avenir. Il était aimé de ses camarades et adoré de ses cavaliers. Artiste, il se délassait de ses occupations militaires par des travaux de peinture. Enfin, il était chrétien pratiquant et bien qu’il ait été surpris par la mort, dieu lui tiendra compte d’une vie qui peut-être donnée en modèle.

L’assistance allait se retirer, lorsque le général de Witte s’approcha du cercueil. Dans une magnifique improvisation, il a parlé comme un père et un chef. Il a affirmé que Georges d’Hennezel était bien un homme d’élite, par le cœur l’intelligence et la volonté, un des mieux doués de la race française pour commander à des soldats français. C est pour s’aguerrir, c est pour se trouver toujours prêt a répondre au premier appel, qu il portait jusque dans ses distractions, la préoccupation de son perfectionnement. Le général a rattaché la mort du lieutenant d’Hennezel à la passion du devoir militaire qui est, pour le cavalier, sur le champ de courses comme au champ de manoeuvres.

Puis, il a dit le rôle de la cavalerie en campagne et a affirmé que l’officier que son régiment pleurait, aurait été l’un des plus qualifiés pour tenir ce rôle glorieux, ou l’intelligence intrépide de quelques uns, se dévoue au péril, pour le triomphe de l’armée toute entière.

Nul qui ne frissonne à l’évocation de la patrie, dans ce petit cimetière des Vosges frontières, où allait dormir un homme qui eut été à l’avant garde, aux jours inéluctables ».

Le général de Witte qui prononçait ces émouvantes paroles allait devenir, deux ans plus tard, le beau père de mon frère. Aujourd’hui après vingt huit ans, qui se souvient ici des funérailles faites à Georges d’ Hennezel. Son père s'était retiré à Darney à la fin de sa vie et y est mort pendant la guerre. Son mère vit encore dans cette petite ville, m a-t-on dit. Mais elle est si âgée qu elle ne doit plus venir s'agenouiller sur cette tombe  quant a son frère, actuellement consul de France à Amsterdam, il a épousé aux Dardanelles, la fille d’un consul de perse. Il a rompu, parait-il, complètement avec son pays d’origine et ses parentes lorraines qu'il ne trouve sans doute pas assez flatteuses. Ce monument est le plus récent de tous ceux qui sont en train de disparaître nul doute que, d’ici quelques années, il ne subisse le même sort.

A gauche de la sépulture de Georges d'Hennezel, se trouve un monument en granit. une croix reposant sur un socle portant trois plaques de marbre noir qui concernent les derniers descendants de la branche ou Tolloy, le grand-oncle du lieutenant d’Hennezel, sa grand-tante et leur mère bisaïeule de l'officier. Sur la plaque du milieu, je relève l'inscription suivante :

Félix d’ Hennezel

Docteur en médecine

A Monthureux sur Saône

Décédé chez ses parents

Au Tolloy

Le 2 novembre 1866

A l’age de 56 ans

Bon époux, bon fils, ami fidèle, coeur dévoué n’avoir

Son plus grand regret en quittant la terre, c’est de

Pu continuer à y pratiquer le bien

Avec ce médecin, s’était éteinte la branche du Tolloy. Il mourut sans enfant de son mariage avec une demoiselle de Bonnay, fille d’une Widranger. La veuve n’avait que trente sept ans, elle se remaria une dizaine d’années plus tard avec le colonel, baron Sabatier, commandeur de la légion d’honneur, fils du maréchal de camp, baron Sabatier.

Sur le coté droit du socle de la croix, on lit cette inscription, M.S. Dardenne :

Épouse d’Hennezel 1184 - 1871

Il s'agit de la mère du docteur d’Hennezel. Elle se nommait Marguerite Sophie d’Ardenne ou d’Ardennes. Son mari, louis Hubert d’Hennezel, était mort au Tolloy trois ans plus tôt, à l'âge de soixante quinze ans. Son monument démoli gît dans l’herbe. Je retrouve cependant son épitaphe:

L.H. d’Hennezel

Décédé au Tolloy

1192 - 1868

Ce gentilhomme était le fils aîné du chevalier Alexandre d’Hennezel du Tolloy. Le parrain de la maison que nous avons visitée tout à l'heure. Enfin, sur le coté gauche du monument du docteur d’Hennezel, se lit l'épitaphe de sa sœur:

Sophie Rodier

Née d’Hennezel

1824 – 1903

Le mari de cette dame, Charles Saturnin Rodier, était maire de Dombasle-Devant-Darney et négociant dans ce village. Son acte de décès le qualifie de « marchand de bois à Viomenil », peut-être était-il venu s’installer au Tolloy après sa mort, sa veuve se retira à Darney, où elle mourut. Le monument de la soeur aînée de M. Rodier se trouve à coté, en voici l’épitaphe :

Elisabeth Adèle d’Hennezel

Épouse de Jean Alexandre d’Hennezel

9 avril 1815 - 29 avril 1871

Cette dame était la grand-mère du lieutenant de dragons. En face de la sépulture du docteur d’Hennezel, se voit un monument sculpté de goût romantique. Il recouvre les restes de trois personnes et porte ces épitaphes :

D’Hennezel Joséphine

Epouse de Chaudi Victor

Morte le 22 avril 1853, âgée de 52 ans

JH de Finance

1806 - 1855

Claire Poirot son épouse

1817 - 1898

Une prière

Marie Elisabeth Joséphine d’ Hennezel du Tolloy, était la dernière soeur du chevalier Alexandre d’Hennezel. Elle avait contracte en 1828 une alliance des plus modestes, en épousant Victor Chaudy d’une famille paysanne de la ferme des Brocards, près du Grandmont. L’acte de mariage qualifie l’époux « marchand à Viomenil ». Elle eut un fils prêtre qui devint curé de Sainte Marguerite.

La seconde épitaphe concerne Nicolas Marie Joseph de Finance, dont les parents habitaient le Tolloy et où il était né « 6 mai 1806 ». Son père fut maire de Viomenil en 1815. Sa mère était une de Bonnay.

Voici à coté, le monument de sa soeur, Marie Appoline de Finance, née aussi  au Tolloy « 8 décembre 1800 » et de son beau-frère. On y lit ces inscriptions :

Ici repose le corps de Appoline de Finance :

Épouse de Jean Baptiste Durieux

Décédée le 8 avril 1861, à l'âge de 60 ans

Priez pour elle

Jean baptiste Durieux

Décédé le 24 novembre 1872

Âge de 70 ans

Tout proche, un autre monument recouvre les restes de la femme d’un descendant des Bonnay, fixée par mariage au Tolloy. L’épitaphe est rédigée dans le style le romantique :

A la mémoire d’une bonne mère

Ici repose le corps

De Marie Claude de Finance

Épouse de Louis Alexandre de Bonnay

Décédée au Tolloy, le 30 décembre 1854

A l’âge de 82 ans

 

En face de ces sépultures des derniers représentants de la branche du Tolloy entassées contre le chevet de l’église, se trouvent dans la partie du cimetière surplombant la rue, les tombes des derniers Beaupré de la Pille.

Tout d’abord, une pierre sculptée, surmontée d’une croix qui parait très ancienne. Elle est presque enfouie dans la terre. Je déchiffre avec peine les premières lignes de l’épitaphe:

Cy gît

Mre N - F de Hennezel

De Beaupré cher de

St Louis

C’est la tombe du chevalier de Beaupré, mort à la Pille sous la restauration.

Devant lui, reposent les corps de ses deux filles. Leur monument porte des épitaphes très rudimentaires puisqu’on n'y lit même pas les noms de leurs époux :

Amélie d’Hennezel

1823 - 1881

Caroline d’Hennezel    

1820 - 1890

Auprès de cette dernière dame, repose sa fille unique, morte sans alliance et qui passa toute sa vie à la Pille, on l’appelait Maria dans l’intimité :

Marie d’Hennezel

1839 - 1893

Amélie Eugénie Leopoldine d’Hennezel de Beaupré, mourut à la Pille (29 avril 1881)

Elle fut la femme de Charles Léopold III d’Hennezel de Francogney, aïeul des représentants de cette branche fixée à Rouen et de Mmes Varlot et Magagnosc, aujourd'hui propriétaires de la Pille.

Julie Caroline Marie d’Hennezel de Beaupré, mariée à son cousin Louis Alexandre d’Hennezel de Francogney, mourut aussi à la Pille (16 mars 1893). Le monument de son époux se trouve contre le bas coté sud de l'église. Il est en pierre du pays et porte une plaque de marbre noir avec l’inscription suivante :

A la mémoire

Louis Alexandre d’Hennezel

De Marie Caroline d’Hennezel

Mort le 8 mars r851

A l’âge de 45 ans

Priez pour lui

Ne à la Neuve-Verrerie, ce gentilhomme s’était fixé à la Pille. Après son mariage  il y passa son existence. Il fut maire de Viomenil de 1840 jusqu’à sa mort.

De cette partie haute du cimetière je cherche, dans la rue au-dessus  la vieille maison à tourelle, remarquée il y a vingt sept ans. Elle existe toujours.

Nous contournons l’église, pour prendre une photographie du chevet. Je tiens à garder le souvenir du champ de repos où dorment les derniers d’Hennezel du Tolloy et de la Pille. D’ici peu de temps, il n’en restera plus de traces.

Sur la gauche de la rue en regardant l’église, j’examine de près la maison à tourelle. Elle est une masse de maçonnerie informe percée seulement au rez-de-chaussée d’une porte et de deux petites fenêtres, extrêmement simples. Sans la tour qui flanque la façade de cette maison, rien ne la distinguerait. Elle a du être entièrement ruinée au XVIIe siècle et reconstruite tant bien que mal  par les paysans qui l’ont habitée à partir de cette époque. Il faudrait la voir en détail, nous n’en avons pas le temps, la matinée s’achève et notre programme est chargé. Je me contente d’en prendre un cliché à cause de la tour.

Remontés dans la voiture, nous prenons la direction de Gruey, vers le Grandmont. Aussitôt après avoir dépassé les dernières maisons en bordure de la route, on a une vue d’ensemble sur Viomenil. 

L éperon portant le village se découpe nettement sur le ciel. A la pointe se dresse l’église, en avant, la façade sud de l’ancien château émergent des broussailles d’un jardin en terrasses supporté par des contreforts, au-dessous, la source de la Saône qu’indique un grand lavoir. Il faudra revoir cela de plus près un autre jour.

En contemplant d’ici, à travers les arbres du chemin, ces maisons blotties autour du clocher de la petite église, où dorment des aïeux, on comprend le sens d’un paysage tout imprégné de christianisme et de traditions ....

 (Retour à la première visite de Vioménil)

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